Homélie
Férie du Temps Pascal
« Que tous soient un ». Tel est lappel pressant que Jésus adresse à son Père dans la finale du chapitre 17 de saint Jean proposée à notre méditation dans lévangile de ce jour. Le vu de Jésus quant à lunité de ses disciples est relié à son exemplaire en Dieu par la particule « comme » qui, en grec, peut indiquer une comparaison ou un engendrement : « que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, queux aussi soient en nous » (v. 21) ; « quils soient uns comme nous sommes uns : moi en eux et toi en moi » (v. 22). Nous sommes ici dans le deuxième cas de figure. Jésus veut nous montrer que lunité ne résulte pas dabord dun effort humain mais quelle a sa source et son fondement dans lunité même de Dieu. Il ny a pas dunité possible entre les hommes si ce nest par référence à lunité du Nous de Dieu.
Unité ne signifie pas uniformité. Car le Père et le Fils sont à la fois deux et un. Dieu ne cherche donc pas à uniformiser les êtres entre eux. Il veut les faire vivre en communion. Luniformisation est synonyme de mort. La communion, cest la vie, lamour, qui tire son origine de lamour même du Christ, qui est aussi celui du Père et qui en tant quamour conjoint du Père et du Fils est lEsprit Saint.
La prière adressée par Jésus à son Père pour lunité de ses disciples est donc un appel à lEsprit Saint. Dans ce temps de préparation à la fête de Pentecôte, nous comprenons alors la place dun tel évangile.
Pourtant nulle part dans notre péricope, Jésus ne mentionne ouvertement lEsprit Saint
Quand on veut aller à lessentiel dun discours on se concentre sur sa conclusion. Notre passage sachève par ces mots : « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître et je le ferai connaître encore, pour que lamour dont tu mas aimé soit en eux et moi en eux » (v. 26). En faisant connaître à ses disciples le nom de son Père, Jésus manifeste que Père est le nom qui exprime le plus profondément lêtre de Dieu. Mais un père ne peut exister sans fils et les deux ne peuvent subsister sans une relation damour qui les unit, laquelle dans le cas de Dieu nest autre que lEsprit Saint. Même si cela nest pas explicité dans le vocabulaire, cest donc bien lEsprit Saint, lEsprit damour, que le Fils à la veille de sa passion demande au Père pour ses disciples et pour tous ceux qui croiront en lui.
Jésus demande à son Père que tous ses disciples et tous ceux qui, dans la suite des âges, lui emboîteront le pas soient rassemblés dans une communion vivante. Au chapitre 11 de son évangile, saint Jean nous avait déjà dit que « Jésus allait mourir pour la nation, et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,51-52). Autrement dit, le sacrifice de Jésus sur la Croix est la source de lunité des fils de Dieu. Pour saint Jean dailleurs, cest déjà du haut de la Croix que Jésus souffle lEsprit sur lEglise et lui fait le don de lunité.
Pourtant, la dure réalité est bien là. Nos divisions intérieures et extérieures nous accablent et nous désolent. Elles contredisent ouvertement la volonté du Christ de rassembler les enfants du Père dispersés. Entre chrétiens, cest-à-dire entre disciples, ces divisions sont même un scandale pour le monde. Comment rester divisés si par le baptême nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Seigneur, lacte même par lequel il a détruit les barrières de la haine et de la discorde ! Cest ici quil ne nous faut pas oublier que notre communion est avant tout un don à recevoir de Dieu.
Mais Dieu nagit pas sans nous. Dans cette prière quil adresse à son Père à la veille de sa passion, Jésus nous révèle la manière la plus éloquente de dépasser et de surmonter les facteurs de divisions : le don total de nous-mêmes au nom de lÉvangile.
« Seigneur Esprit Saint, introduis-nous dans la communion damour du Père et du Fils. Rends-nous participants de la gloire divine. Transformés et illuminés nous pourrons alors porter au monde ce témoignage de paix et dunité dont il a tant besoin. »