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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Férie

Reconnaissons que les antithèses du Sermon sur la Montagne nous confrontent cruellement à nos limites. La barre est haute, très haute ; sans doute trop haute pour nous. Les argumentations rationnelles que nous pourrions tenter d’invoquer pour justifier les propos de Jésus, ne suffiront probablement pas à vaincre nos résistances. Aussi n’avons-nous pas d’autre recours que de nous exposer patiemment à cette Parole, jusqu’à ce qu’elle ait suscité en nous les dispositions nécessaires pour que nous puissions lui obéir.
Certes nous percevons tous les limites de la loi du Talion : « œil pour œil, dent pour dent » (Ex 21, 24). L’apparente justice qui consiste à exiger une peine identique à celle qu’on a subie, débouche inévitablement sur des débordements incontrôlables. Lorsque la roue de la violence est mise en branle, qui l’arrêtera ? Il suffit de relire la genèse et le développement des grands conflits internationaux du siècle précédent pour se rendre compte qu’on n’établit pas la paix en exigeant que l’autre souffre tout autant que ce qu’il a fait subir : du bourreau à la victime et retour, le mal est doublé ; et il en est de même pour la haine, le ressentiment, le désir de vengeance, et tous les autres sentiments morbides. Mais pourquoi chercher des exemples sur la scène internationale : n’est-ce pas ce que nous vérifions au quotidien dans nos relations professionnelles ou familiales ? Si nous revendiquons que l’autre ait payé « jusqu’au dernier centime » avant d’enterrer la hache de guerre, la paix demeurera fragile, et à la moindre étincelle, la violence souterraine fera irruption au grand jour.
Mais alors comment faire si la justice ne suffit pas ? « Et bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant » - nous répond Jésus. Voilà la première étape : refuser de s’engager dans la spirale de la violence en ripostant à l’offense qui nous est faite. Mais comment justifier un tel renoncement ? D’autant plus que le risque encouru est évident : rien ne prouve que l’adversaire ne va pas profiter de ce qu’il interprètera comme de la faiblesse, pour récidiver !
Dans leur sagesse, les maîtres spirituels nous invitent à envisager une justice à plus long terme. Sans doute ai-je été victime d’actions malveillantes qui crient vengeance ; mais n’ai-je pas en d’autres circonstances échappé à des sanctions méritées ? « Supporte avec patience les souffrances injustement infligées aujourd’hui, en réparation pour toutes les rétributions méritées auxquelles tu as échappé par le passé ».
Le premier mobile du renoncement que Jésus nous ordonne est cependant d’un autre ordre. Il réside dans le changement de regard que nous sommes invités à poser sur notre prochain - fût-il « méchant ». A la lumière de l’Évangile nous découvrons que tout homme est un frère, car tous nous sommes enfants d’un même Père, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). Pour entrer dans la logique du « davantage » du discours sur la Montagne, il nous faut passer d’une évaluation réductrice de notre prochain - fondée exclusivement sur son comportement passé et présent - à une évaluation « intégrale », qui se laisse éclairer par l’avenir de tout homme dans le dessein d’amour de Dieu. En d’autres termes, il nous faut apprendre, avec l’aide de la grâce, à entrer dans le regard d’espérance que Dieu porte sur chacun de nous : « Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus-Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus-Christ » (Ep 1,4-5). Ce n’est que dans la mesure où nous nous laissons pénétrer par cette parole au point d’entrer dans la perspective du Royaume qu’elle ouvre devant nous, que nous serons capables de vivre les exigences des antithèses du Sermon sur la Montagne. Leur forme négative ne doit pas nous tromper : elles ne nous incitent pas à la passivité, voire à la démission. Notre-Seigneur nous invite tout au contraire à des actes positifs : « Donne à qui te demande », comme il convient au sein de la famille des enfants de Dieu ; si quelqu’un cherche à s’approprier ta tunique, « laisse-lui encore ton manteau » en signe de partage fraternel ; n’hésite pas à « faire deux mille pas avec celui qui te réquisitionne pour mille », car la mesure du don est de donner sans mesure ; ne te détourne pas de celui qui « te gifle sur la joue droite », mais signifie-lui par ton attitude bienveillante, que tu lui as pardonné et qu’il jouit à nouveau de ta confiance.

« Seigneur nous voulons croire que ta Parole donne ce qu’elle ordonne, qu’elle nous transforme de manière à ce que nous puissions lui obéir. Aussi nous ne voulons pas “laisser sans effet la grâce reçue de toi” (1ère lect.). Nous croyons que “c’est maintenant le moment favorable”, que “c’est maintenant le jour du salut” (Ibid.). Nous voulons “nous présenter à nos frères comme de vrais ministres de Dieu par notre vie entière”(Ibid.), triomphant de la haine par le pardon, de la violence par la douceur ; afin d’être au cœur de ce monde, des témoins de la justice et de la paix véritables, celles qui viennent de toi et nous ramènent à toi, Père, par le chemin que nous ouvre ton Fils, Jésus-Christ notre Seigneur. »


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