Homélie
12e dimanche du Temps Ordinaire
« Celui qui veut marcher à ma suite » : le disciple est celui qui marche à la suite de son Maître afin de demeurer sans cesse avec lui. Le christianisme est donc essentiellement mise en route, cheminement, avancée, progression continue ; et comment pourrait-il en être autrement puisquil est la religion de lamour conquérant ?
La liturgie de ce jour nous invite à retrouver ce dynamisme de la foi, qui est aux antipodes de limage du christianisme véhiculée par la grande majorité des médias. A les entendre, lEglise serait linstitution la plus statique et réactionnaire que lhumanité aurait produite dans son évolution : une religion qui enferme ses fidèles dans des dogmes rigides, les étouffe dans un moralisme suranné, les tient prisonniers de la peur de lenfer.
Inutile de chercher à démontrer combien cette description est caricaturale : la position est idéologique et ne se laisse pas infléchir par des arguments rationnels ; seul le témoignage dune vie transformée peut faire la preuve du caractère mensonger de ces propos. Ne soyons ni étonnés, ni scandalisés devant la réaction du monde ; mais vérifions plutôt notre progression sur le chemin de la vérité et de la vie, sous la conduite de lEsprit de Notre-Seigneur Jésus Christ.
Nous venons de lentendre : la conversion constitue le moment fondateur du chemin de foi, la grâce initiale qui nous met en route vers Celui qui nous appelle. « En ce jour-là je répandrai sur la maison de David un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication » (1ère lect.) : linitiative vient du Seigneur ; lui seul peut nous ouvrir les yeux et nous permettre de les « lever avec foi, vers celui que nous avons transpercé ». Heureux « lhomme dont lesprit est sans fraude » et qui dans la contemplation de la Croix, se laisse convaincre de péché. Heureux celui « qui ne cache pas ses torts, mais rend grâce au Seigneur en confessant ses péchés » (Ps 32 (31), 5). Oui « heureux est-il, car pour lui « une source jaillit, qui le lavera de ses souillures » (1ère lect.).
Cependant, le baptême ne consiste pas seulement dans la purification de la faute : « Vous tous que le baptême a unis au Christ, précise Saint Paul, vous avez revêtu le Christ » (2nd lect.). Le salut est aussi et surtout participation à la vie de celui qui est descendu dans notre mort pour nous en arracher définitivement et nous entraîner à sa suite. Cet exode, nous ne lentreprenons pas seuls : « si vous appartenez au Christ, cest vous qui êtes la descendance dAbraham » (2ème lect.). Tous ceux qui ont cru en la promesse de Dieu, ne sont « plus quun dans la Christ Jésus » (Ibid.) ; en lui ils ont accès à « lhéritage que Dieu a promis à Abraham ».
Le Seigneur nous avertit cependant que la route de la Terre Promise nest pas facile : « celui qui veut marcher à ma suite, quil renonce à lui-même, quil prenne sa croix chaque jour, et quil me suive ». Nous nentrerons dans le Royaume quen crucifiant le vieil homme, c’est-à-dire cette part obscure de nous-mêmes qui divise et oppose les hommes : Juifs contre païens, esclaves contre hommes libres, hommes contre femmes (cf. 2nd lect.). LEsprit de Dieu tout au contraire « fait naître en nous bonté et supplication » (1ère lect.). Lorsque saint Paul nous exhorte à « suivre fidèlement lappel que nous avons reçu de Dieu », il résume cette vocation en quelques mots : « ayez beaucoup dhumilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour » (Ep 4,1-2). Collaborer avec lEsprit à la réalisation de son uvre de communion, exige de nous que nous renoncions à tout les obstacles que nous dressons pour nous protéger des autres, « car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi c’est-à-dire par amour pour lunité du Corps total du Christ - la sauvera ».
« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Jésus ne nous demande pas une définition de sa Personne, mais un témoignage de ce quil est « pour nous ». Lévangéliste précise que Notre Seigneur pose cette question après sêtre écarté pour prier. En lisant la suite de la péricope, où Jésus annonce les souffrances, la mort et la résurrection du « Fils de lhomme », on devine quil sest entretenu avec le Père de la Pâque quil sapprête à vivre pour notre salut. Certes la réponse de Pierre « le Messie de Dieu » - est juste, mais elle ne révèlera pleinement son sens quaprès la victoire de Jésus sur le péché et sur la mort ; alors seulement nous comprendrons que le Christ est venu « pour nous » sauver. Nous ne pourrons donc répondre à la question de Notre Seigneur quen faisant mémoire du chemin parcouru avec lui, et de son uvre de libération dans nos vies ; libération de nos égoïsmes, de nos mensonges, de notre hypocrisie ; et ouverture à la vraie liberté, celle qui consiste à pouvoir aimer, c’est-à-dire à pouvoir perdre notre vie gratuitement au service des autres.
Voilà un témoignage qui fait mentir sans appel toutes les idéologies qui tentent de réduire le christianisme à un moralisme mortifère.