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 - 27 mars 2024 - Saint Habib
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Homélie

14e dimanche du Temps Ordinaire

« Vous puiserez avec délices à l’abondance de sa gloire ». En ces temps de repos estival, de telles prophéties sont assez agréables à entendre. Mais le prophète Isaïe ne les a pas données en des temps où Israël aspirait au repos… Écrit à l’époque difficile du retour de l’exil, ce discours veut raviver l’espérance des anciens déportés : certes, la Jérusalem qu’ils trouvent à leur retour de Babylone a bien changé : ses remparts sont en ruines et son temple est à reconstruire ; ses habitants ne font pas bon accueil aux exilés et ils s’opposent même aux projets de reconstruction. Mais le Seigneur assure aux déportés qu’il existe une réalité plus certaine que les murs délabrés et l’hostilité de leurs frères : « dans Jérusalem, vous serez consolés » ; « vos membres, comme l’herbe nouvelle, seront rajeunis » ; « vous le verrez et votre cœur se réjouira ».

Le psaume laisse donc éclater la joie et la reconnaissance du peuple de l’Alliance : « Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour ». Lui qui a été capable de libérer son peuple de l’esclavage en Égypte, il est capable des mêmes hauts faits, il promet et apporte la consolation à ceux qui placent en lui leur amour.

La joie dont le Seigneur nous comble est en effet un don gratuit de son amour. Mais la deuxième lecture insiste pour dire qu’elle est aussi le fruit d’une expérience d’intimité avec Dieu. Il faut aimer Dieu pour savoir accueillir ses dons, mais il faut aussi vivre selon son commandement d’amour pour s’approprier le don qu’il fait. La paix et la joie dont Dieu gratifie son peuple ne s’enracinent que dans le cœur de ceux qui s’attachent à lui et vivent en enfant de Dieu. « Pour tous ceux qui suivent cette règle de vie, paix et miséricorde », nous dit saint Paul. Or c’est en Christ que se goûte cette proximité, c’est en lui que se vit cette alliance, c’est en Christ que le monde est transformé. La Croix de notre Seigneur Jésus-Christ est ainsi l’outil indispensable de la création nouvelle, elle est la « marque » que portent ceux qui sont régénérés. Elle est donc notre seule fierté.

Forts de cet héritage, nous voici envoyés par Jésus pour préparer sa venue et répandre la paix. Car l’évangile de ce jour a la particularité de nous mettre en cause directement, dans sa lettre même. Nul besoin ce matin de se reconnaître dans l’attitude des apôtres ou de permettre à un discours de Jésus de montrer son actualité. Jésus choisit d’envoyer les soixante-douze disciples, c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui le suivent. Ce chiffre est une première ouverture à l’universalité puisqu’il représente aussi le nombre des nations connues sur la terre, dans le livre de la Genèse. La mission de Jésus s’ouvre également à ses disciples de tous les temps. Quand il dit « Je voyais Satan tomber comme l’éclair », il parle dans le langage apocalyptique, celui qui décrit les derniers temps, le temps que tous les chrétiens vivent. Chaque baptisé est donc explicitement envoyé par Jésus comme porteur de sa paix.

Nous sommes tous envoyés comme des agneaux au milieu des loups. Le moins que l’on puisse dire est que les loups représentent un danger potentiel pour les agneaux ! Mais le Seigneur ne l’ignore pas, et il insiste : « n’emportez ni argent » qui sert à accomplir sa volonté propre, « ni sac » qui sert à faire des provisions au cas le Bon Dieu oublierait de s’occuper de nous, « ni sandale » pour nous protéger du chemin par nous-mêmes, au cas où le Seigneur aurait l’inconscience de nous exposer trop dangereusement. Ces prescriptions nous montrent l’ascèse des missionnaires mais surtout les conditions de leur réussite. Comment des agneaux viendraient-ils à bout des loups si Dieu ne les transformait pas lui-même ? Il nous faut donc rester vulnérable comme le Christ sur la Croix, pour que l’Agneau pascal manifeste sa victoire dans nos vies. De plus, comment des loups apprendraient-ils le langage de l’amour si l’on venait à eux comme des loups parmi les loups ? Il faut des agneaux parmi eux, c’est-à-dire des témoins crédibles de la paix qu’ils prétendent apporter. Alors les loups connaîtront le langage de la Croix, alors seulement ils découvriront la joie d’être les brebis du Bon Berger.

Cette perspective nous fait sans doute mieux comprendre l’état d’esprit des déportés rentrant de Babylone et découvrant l’hostilité de leurs frères : comment est-il possible de reconstruire le bonheur et l’unité du peuple autour de Dieu ? Comment est-il possible que nous, si pauvres, soyons envoyés convertir les loups si puissants et si résolus à rester dans l’esprit du monde ? « Voici ce que dit le Seigneur : Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve » ! Les efforts que nous avons à faire (ils ne sont pas minces) sont seulement de rester dans les dispositions qui rendent Dieu puissant dans nos vies. « Vous le verrez et votre cœur se réjouira », encourage Isaïe.

De fait, saint Luc témoigne : « les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux ». Ils sont heureux de leur mission – et il n’en manque pas un seul à l’appel. Paradoxalement, la seule mise en garde de Jésus est liée à notre succès apostolique. Il est assuré par la victoire de l’Agneau, c’est presque trop facile ! Les choses que Dieu réalisera dans nos vies, si nous prenons le risque de lui faire confiance, sont si grandes qu’elles pourraient nous détourner de Dieu. Jésus ne voit pas de problème à ce que des loups deviennent des agneaux suite à notre témoignage, mais il s’inquiète que nous gardions toujours les yeux fixés sur lui. « Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux », nous dit-il ; réjouissons-nous parce que nous sommes devenus les héritiers du Royaume, plénipotentiaires de notre Père céleste pour transformer le monde avec son Fils unique. Nous sommes devenus fils dans le Fils, « ainsi [nous sommes] nourris et rassasiés du lait de ses consolations, et [nous puisons] avec délices à l’abondance de sa gloire ».

Merci Seigneur Jésus du don de ta paix, merci de nous envoyer la partager et la propager autour de nous. La moisson est abondante, mais les ouvriers qui connaissent la joie de travailler à ton champ sont trop peu nombreux. Donne-nous d’être si parfaitement unis à ta Croix que nous restions toujours les agneaux dont toi, l’Agneau pascal, a choisi d’avoir besoin pour convaincre les loups qu’ils peuvent connaître le bonheur de t’appartenir, car tu offres ce bonheur à tous tes frères humains. Alors, enfin réunis autour de notre Dieu comme la famille rassemblée au prix de ton sang, nous lui ferons la joie de le louer ensemble dans la Jérusalem glorieuse où tu habiteras avec nous pour toujours.


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