Homélie
Férie
« Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux ? », demandent les disciples à Jésus. Cette question est belle, sans doute nen posons-nous pas assez de cet ordre ! Les disciples senquièrent de lidéal de perfection dans le Royaume des cieux, c’est-à-dire dans la vie spirituelle. Ils nous montrent ainsi quil faut avoir de lambition dans notre marche vers la sainteté. Il faut la désirer et ne pas hésiter à placer haut la barre.
« Jésus appela un petit enfant ; il le plaça au milieu d’eux, et il déclara : Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants ». Par ce geste et ces quelques mots, le Seigneur renverse tous les codes.
Dabord, il choisit un enfant, c’est-à-dire, à lépoque, quelqu’un qui na pas grande importance, quelqu’un que lon naccueille pas. En faisant ainsi, Jésus dit que celui qui est le plus grand dans le Royaume est tenu pour rien en ce monde. Il dit aussi que cest en accueillant ceux qui ne comptent pas quon peut devenir comme les plus grands dans le Royaume.
Mais Jésus demande aussi de changer pour devenir comme un petit enfant. Notre situation est donc doublement éloignée de la perfection évangélique : nous ne sommes pas comme des petits enfants et nous ne savons pas changer comme il convient (pour autant que nous changions). Là est peut-être le secret de lenfance : accepter le changement continuel, savoir sajuster sans cesse. Les âges se suivent et ne se ressemblent pas, les adultes conseillent et orientent, les événements créent des ouvertures ou barrent un chemin. Lenfant accueille avec souplesse et sadapte. Ainsi dans le Royaume on ne peut jamais sinstaller. Le changement est toujours nécessaire parce quon peut toujours aimer plus, aimer mieux.
Enfin, lenfant est placé au milieu du groupe des disciples, c’est-à-dire au cur de la communauté chrétienne, c’est-à-dire à la place du Christ. Le Seigneur Jésus vient à nous comme un enfant. Il shumilie et demande quon laccueille ainsi. Il se fait pauvre et demande que nous suivions son exemple.
« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits », nous prévient-il. Dans le Royaume que Jésus est venu inaugurer, la grandeur se mesure par la petitesse. Mépriser quelqu’un, cest dire quon se prétend important, ou plus important que dautres. Ces sentiments ne sont pas ceux qui ont cours dans le Royaume. Le Père des cieux aime chacun de ses enfants. Jésus dit « un seul de ces petits » car aux yeux de Dieu tous sont uniques. Dieu ne connaît pas les comparatifs, il ne sait compter que jusquà un.
Pour le montrer Jésus raconte une parabole. Un homme possède cent brebis, ce qui est énorme. Si une brebis se perd, lhomme ne se demande pas si elle la cherché, si elle la mérité. Il se soucie delle et part. Il parque les 99 brebis et il part à la recherche de celle qui lui manque. La montagne est dangereuse, il sait que le risque est grand quelle soit perdue. Mais, « sil parvient à la retrouver », il se réjouit du grand danger auquel elle a échappé et la reprend dans le troupeau. Sans doute la place-t-il au milieu du troupeau, le plus en sécurité. Car « votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu ».
Gardons-nous bien dexclure qui que ce soit, notre Père des cieux nagit pas ainsi. Laissons-nous au contraire entraîner par le mouvement perpétuel de lamour du Christ, qui permet de se décentrer de soi et de découvrir, au milieu, le petit enfant dans lequel notre Seigneur demande à être accueilli.