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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

20e dimanche du Temps Ordinaire

Le prophète Jérémie est bien connu... pour ses « jérémiades » ! Aujourd’hui encore, son nom suscite l’ironie même de ceux qui connaissent mal notre foi. La première lecture de ce jour lui rend justice en racontant une des dures épreuves qu’il a dû subir et pendant laquelle il ne prononce pas un mot. De quoi est-il accusé ? Difficile de connaître le détail à partir du texte que nous avons. Une chose est sûre : son sort est décidé. Le procès qui lui est fait est éloquent : première parole : « qu’il soit mis à mort ». Condamnons-le, on trouvera bien de quoi justifier la sentence après coup. Deuxième parole, qui résonne comme un début d’explication mais pas comme un acte d’accusation acceptable : « il démoralise (…) toute la population ». Outre l’iniquité de ses accusateurs et du roi, ce jugement nous enseigne que la Parole que Dieu transmet par ses prophètes n’est pas une parole qui flatte les puissants. Elle n’est pas une parole qui puisse être acceptée facilement. Elle dérange. Elle irrite. Au point qu’on voudrait tuer son messager, comme si cela pouvait arrêter la Parole.

Jérémie ne dit rien. Il ne cherche pas à se défendre, car il connaît bien les réactions que la Parole de Dieu suscite chez un roi qui a décidé de ne pas suivre les voies du Seigneur. Mais il ne se dédit pas, même pour sauver sa vie. Voici un messager qui ne se considère pas plus important que la parole qu’il annonce. Le psaume nous aide à mieux comprendre en quoi la figure de ce prophète est un enseignement pour nous. Il nous fait en effet entendre la prière qui était sur les lèvres du prophète alors que les hommes l’avaient condamné et maltraité : « d’un grand espoir, j’espérais le Seigneur » ; « il m’a tiré du gouffre inexorable, de la vase et de la boue ». En un mot, Jérémie est resté fidèle et confiant dans le Seigneur. « Je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur pense à moi : tu es mon aide et mon libérateur », priait-il encore. Pourtant, quelle preuve Jérémie a-t-il de l’aide du Seigneur, dans sa citerne, enfoncé dans la boue, privé d’eau et de nourriture ? Quel signe reçoit-il dans son trou de la puissance de Dieu venant à son secours ? Un esclave. Un serviteur éthiopien qui humblement ose s’adresser au roi et par sa seule parole parvient à le faire changer d’avis.

Voilà un témoignage qui invite à davantage d’audace dans l’annonce de la Bonne Nouvelle. Certes, la Bonne Nouvelle dérange ceux qui prétendent construire un monde sans Dieu. Certes, transmettre cette Parole peut exposer à de grands périls. Mais si nous comptons sur la fidélité du Seigneur, de qui aurions-nous à craindre ? Par l’humble prière d’un simple esclave étranger, le Seigneur a fait revenir le roi sur sa décision. De plus, notre position est franchement plus confortable que celle de Jérémie. Saint Paul nous invite en effet à ne pas mésestimer la « foule immense de témoins » qui ont choisi de ne s’appuyer que sur le Seigneur. L’Église tout entière est solidaire de chacun de ses membres, il est impossible que nous soyons isolés dans notre détresse. Et, par-dessus tout, Jésus est là, lui qui nous a ouvert le chemin de la foi et la mènera à sa perfection. Gardons « les yeux fixés sur Jésus », nous exhorte saint Paul. Il est le Juste. Il est la Parole que Dieu envoie, le salut que les hommes espèrent. Lui, le premier, il n’a pas été reçu. « Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement », insiste l’apôtre. En effet, malgré le procès sommaire qui l’a conduit à la mort, le Christ s’est rendu vainqueur de toutes les oppositions et de la mort elle-même ; il est « assis à la droite de Dieu, il règne avec lui ».

Il n’y a donc pas à nous étonner que vivre en chrétien se fasse toujours dans des circonstances éprouvantes. Jésus rappelle dans l’évangile que l’épreuve peut même être vécue au sein d’une famille. Quel mystère que cette Parole de réconciliation provoque des divisions jusqu’au sein des familles. Jésus sait bien de quoi il parle, lui qui a été chassé de la synagogue de Nazareth et qui a été rabroué par les siens. Comment est-ce possible ? N’est-il pas le Prince de la paix ? Il le dit pourtant sans ambages : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division ». Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne. Jésus est venu mettre la division, mais il n’est pas venu dresser les hommes les uns contre les autres. Sa Parole fait apparaître la division, mais elle ne la crée pas. Si les divisions peuvent apparaître au cœur de nos familles, c’est probablement parce qu’elles existent d’abord dans l’intimité de nos âmes. Il y a toujours en nous un roi prêt à juger le prophète en espérant ainsi rejeter la parole de paix. Les divisions et les persécutions sont le signe de nos résistances à la Parole, elles sont le signe de l’orgueil qui nous pousse à essayer de vivre par nous-mêmes, loin de la source de toute vie.

Ce qui veut dire que nous n’en sommes pas encore à subir les humiliations comme le fit le prophète Jérémie. Avant d’annoncer la Bonne Nouvelle aussi efficacement que cela mette notre vie en péril, il faudrait que nous la laissions produire son œuvre de réconciliation dans nos propres cœurs. Tant que les compromissions subsistent, nous courrons avec peine sur les chemins de l’évangile. « Débarrassons-nous de tout ce qui nous alourdit, nous exhorte donc saint Paul, et d’abord du péché qui nous entrave si bien ».

Frères et sœurs, notre Seigneur Jésus nous fait aujourd’hui la confidence d’un désir profond qui habite son cœur : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! ». Allons-nous le laisser embraser notre cœur de sa Parole ? Allons-nous proposer nos cœurs comme relais pour que le feu du Christ se répande de proche en proche, dans le monde entier ? Autrement dit, allons-nous accueillir la Parole qui dévoile les divisions et convertit les cœurs ? L’aventure n’est pas de tout repos mais le programme est tout tracé. Saint Paul nous dit en effet très clairement l’étendue du chantier : « vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché ».

Cela étant, si l’annonce de l’évangile requiert un investissement total, elle n’est en rien compliquée. Accueillir la Bonne Nouvelle commence simplement par remercier le Seigneur pour sa victoire. C’est ainsi que l’annonce trace son chemin dans les cœurs. Le psaume disait en effet : « en ma bouche, il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu : voyant cela, beaucoup seront saisis, ils croiront au Seigneur ».


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