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 - 21 avril 2024 - Saint Anselme de Cantorbéry
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Homélie

24e dimanche du Temps Ordinaire

« Le Christ m’a pardonné ». Saint Paul donne, dans la deuxième lecture, le thème des textes de ce dimanche : nous célébrons la miséricorde du Seigneur.

La première lecture semble pourtant trancher avec la douceur du pardon de Dieu, elle peut même paraître choquante. Que le péché d’idolâtrie soit une abomination aux yeux de Dieu est une chose, mais que la Bible nous montre le Bon Dieu pris d’une violente colère en est une autre…

Nous devons cependant dépasser cette difficulté sous peine de faire de l’acte pénitentiel un acte de soumission servile devant la puissance écrasante d’un dieu tyrannique. Pour cela, il nous faut ouvrir L’Ancien Testament comme une invitation à entrer dans une lente pédagogie. Ces textes écrits il y a 30 ou 40 siècles portent en effet la marque d’une conception de Dieu qui se disait par des anthropomorphismes. Ce regard s’est peu à peu affiné jusqu’à comprendre que la colère de Dieu est dirigée contre le péché et non contre l’homme pécheur.

Par ailleurs le péché d’idolâtrie de cet épisode de l’Exode rappelle fortement le périple du fils cadet de la parabole, dont le départ de la maison paternelle est lié à l’image imparfaite qu’il avait de son père et de leur relation. Au cours d’un voyage douloureux et purificateur, comme le fut l’Exode pour le peuple saint, le visage de la Miséricorde est pleinement révélé au fils prodigue.

Et nous ne sommes pas différents d’eux. Il est nécessaire que la Miséricorde nous soit révélée car, nous explique Jésus, nous ne sommes pas conscients de notre état. Nous nous croyons en bonne santé, alors que nous ne le sommes pas : notre relation à Dieu et aux hommes est malade. Jésus nous le montre dans les trois paraboles de la Miséricorde.

Intéressons-nous d’abord au fils prodigue. Il désire profondément vivre une relation juste et vivifiante avec son père, mais il reste centré sur lui-même. La relation à son père l’intéresse, mais pour le profit personnel qu’il peut en tirer. Sa recherche d’une relation filiale est réduite à une demande d’argent. Si bien qu’il demande sa part d’héritage, sans se soucier de l’effet d’une telle demande sur son père ou sur son frère. Son père, quant à lui, respecte la liberté de son fils et ne le retient pas. Le voici donc qui part, au loin, rechercher ce qu’il avait chez lui. A ce stade de l’histoire, il croit encore que le désir qui l’habite est orienté vers les biens matériels. Il cherche donc à les posséder, il rêve d’une vie facile et glorieuse.

Puis une famine survint dans le pays. Cette calamité montre qu’on ne peut pas fuir indéfiniment sans être rattrapé par la réalité. On ne peut jamais s’isoler car nous vivons dans un monde de relations ; on ne peut jamais se satisfaire des biens matériels, une faim plus profonde se réveille toujours un jour ou l’autre.

La faim qu’il ressent n’a rien d’un repentir radical. Il cherche encore dans les biens matériels, il regarde vers les caroubes que mangent les porcs : « Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien ». La faim qu’il ressent est donc bien une faim liée à la relation. Car rien ne l’empêchait de se servir lui-même dans l’auge des porcs, les gardiens de porcs ne sont pas sous étroite surveillance habituellement. Sa souffrance vient du fait que personne n’avait le souci de lui, personne ne l’aidait à rassasier sa faim.

C’est alors qu’il pense à son père. Sa chance est là, la victoire est déjà acquise. La relation n’est pas encore renouée, mais déjà, par son imagination, il parle à son père. Son raisonnement est simple : Les ouvriers ont du pain car ils le méritent par leur travail. N’ayant pas su trouver la relation juste qui lui aurait attiré l’attention de son père, il décide de renoncer à son statut de fils et de se présenter comme ouvrier. Il cherche à attirer l’amour de son père, tout au moins le mériter désormais.

En cela, il n’est pas très éloigné des pensées de son frère. Son aîné est également prisonnier d’un esclavage. Celui du travail.

La scène se passe au soir du retour du fils prodigue. Le fils aîné rentre de sa journée de travail, quand « il entendit la musique et les danses ». L’indice est saisissant. Voilà un homme qui n’a jamais voulu être attentif à ses moindres désirs, même les plus légitimes. Il s’est bâti un code de vie extrêmement rigide, auquel il lui fallait être absolument conforme. Le pire est qu’il l’a fait croyant plaire à son père.

Il est évident que dans de telles conditions de vie, la colère gronde dans son cœur depuis longtemps et ne cherche qu’une occasion pour s’exprimer. Ce soir, la rencontre est trop brutale, il explose : « tu ne m’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis ». La question porte-t-elle vraiment sur le chevreau ? Probablement pas. Ce sont ses amis qui lui font défaut, des amis pour faire la fête. En a-t-il seulement ? Esclave de son travail, il a négligé toute relation. Il en souffre et le reproche maintenant à son père pour qui il travaille.

Dans la prison qu’ils se sont construite, les deux frères partagent le même fantasme. Le cadet voit les ouvriers manger à leur faim, l’aîné voit le cadet faire la fête. Mais aucun des deux ne voit l’amour gratuit d’un père bienveillant qui court à leur rencontre. Pour les deux, l’attitude du père est en effet identique. Il sort. Il sort de sa maison et va vers eux. Il court vers le cadet, il supplie l’aîné. Il veut les faire entrer dans sa joie.

Il nous faut nous interroger maintenant sur le projet de Jésus qui raconte cette histoire. Plutôt ces histoires, car nous en avons lu trois. Pourquoi lire ensemble l’histoire de la brebis égarée, de la drachme perdue, et celle du fils prodigue ? Qu’y a-t-il de commun entre un mouton, une pièce de monnaie et un jeune insensé ? Rien. La brebis est sans intelligence, comme le jeune homme, mais elle n’a pas péché ; le jeune homme était perdu, mais la pièce d’argent ne se perd pas elle-même, c’est nous qui la perdons. Par ces paraboles, Jésus ne cherche pas à attirer l’attention sur le désir de conversion du pécheur, mais sur le désir de Dieu de nous faire miséricorde. Dans les trois paraboles, Dieu laisse tout pour courir à la recherche de celui qu’il a perdu. Dieu a le désir de nous sauver, il en a l’initiative, il le veut et il le fait.

C’est ce qu’a compris saint Paul qui a été rétabli dans sa condition de fils par la miséricorde du Seigneur. « Le Christ m’a pardonné » s’exclame-t-il. Que nous ayons conscience de l’amour de Dieu pour nous ne suffit pas à nous libérer de nos esclavages ; vouloir partager l’intimité de sa maison ne rompt pas les chaînes de nos idolâtries. Seul le Christ peut nous sauver. Seul son amour est capable d’agir et de transformer nos vies.

Cessons donc de considérer les complications de nos cœurs malades pour nous tourner avec admiration et reconnaissance vers la source de notre salut, rendons gloire à celui qui nous a aimés alors que nous étions encore ses ennemis, acclamons celui qui veut nous recréer dans sa miséricorde alors que nous méconnaissons son visage. Proclamons avec l’Église en fête notre joie d’être rétablis dans son Alliance : « Honneur et gloire au roi des siècles, au Dieu unique, invisible et immortel, pour les siècles des siècles. Amen ».


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