Homélie
Férie
« Si ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés, cest à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu damour. » Ces paroles de Jésus qui sont au cur de lévangile de ce jour peuvent paraître énigmatiques.
La première phrase de lassertion de Jésus semble en contradiction avec la seconde. Dun côté, lamour obtient le pardon des péchés. De lautre, Jésus nous dit que lon ne peut aimer vraiment tant que lon na pas expérimenté pour soi le pardon et que la mesure de cet amour est celle du pardon reçu. Autrement dit, dun côté, lamour apparaît comme premier par rapport au pardon. De lautre, cest linverse.
Quest-ce donc qui est alors premier ? Lamour ou lexpérience dêtre pardonné ? Mais peut-être que poser la question en ces termes néclaire en rien les propos de Jésus
Peut-être que pour entrer davantage dans leur compréhension il nous faut, comme Simon, nous laisser conduire au rythme de la parabole que Jésus lui raconte.
Celui à qui le Maître a le plus remis est celui qui lui montre le plus damour. Mais le présupposé de cette parabole, que lon aurait peut-être trop tendance à laisser dans lombre, est que pour être pardonné, il faut que lon reconnaisse que lon a péché et donc que lon a besoin de pardon. Autrement dit, faire lexpérience du pardon implique que lon ait reconnu, accepté et offert sa pauvreté à Jésus. En effet, celui qui est riche de lui-même na pas besoin de pardon ; parce quil nen voit pas lutilité. Du coup, comment pourrait-il exprimer de lamour vis à vis de celui dont il pense ne rien avoir à recevoir ? Nest-ce pas là finalement la difficulté de Simon le pharisien ? Sa confiance un peu trop présomptueuse en sa justice et sa vertu, qui apparaît dans le jugement quil porte sur cette « pécheresse », ne lempêche-t-elle pas daccueillir ce que Jésus désirait lui donner en venant chez lui ?
Pour consentir à recevoir le don de la miséricorde divine, il faut un cur déjà rendu disponible et purifié par lhumilité. Cest par ses pieds que Jésus se laisse approcher dans son humanité et sa dépendance. A son humilité saccorde celle de la femme qui baigne de ses larmes ses pieds et les essuie de ses cheveux. A linverse de Simon qui reste à distance en posant une sorte dexamen intellectuel critique sur les personnes et le déroulement des événements, la femme, quant à elle, nhésite pas à risquer le contact avec Jésus parce quelle sait avoir besoin de la miséricorde du Seigneur et quelle est sûre dans la foi de lobtenir.
Laccueil dun tel amour gratuit pousse le pécheur pardonné à y répondre en aimant plus encore. Mais le pécheur pardonné est toujours conscient que son amour en retour est celui-là même qui lui vient de Dieu et qui lui a été donné de façon suréminente lorsquil a fait lexpérience de sa miséricorde.
La gratuité de lamour de Dieu sexprime encore dans le fait que son pardon ne se contente pas deffacer notre péché. Il opère en nous bien davantage. Il nous arrache à nos enfermements, nous libère de nos chaînes, et nous propulse vers un nouvel avenir : « va ! » Jésus ne met pas la main sur nous. Il nous invite à aller notre chemin nexigeant rien en retour si ce nest que nous marchions dans la fidélité à la grâce reçue. Voilà pourquoi, à la grâce de la rémission de nos péchés, il ajoute celle de faire le bien : " Va en paix " (c’est-à-dire dans la justice). Car si le péché est la guerre entre Dieu et l’homme, la justice est la paix de l’homme avec Dieu. « Va en paix » pourrait aussi très bien se lire : « Fais tout ce qui peut te conduire à la paix de Dieu. »
« Seigneur, fais-nous la grâce de pouvoir entrer dans les gestes dhumilité et les soins de repentir que cette femme pécheresse ta prodigués. Quainsi rendus disponibles à laccueil de ta miséricorde divine, nous puissions la recevoir dans laction de grâce en taimant toujours davantage à cause de la gratuité de ton pardon. »