Homélie
Férie
« Pour le mettre à lépreuve » : des pharisiens mal intentionnés tentent dimpliquer Jésus dans un débat concernant la répudiation. Deux écoles saffrontaient, lune plus attentive aux droits de lépouse, ne permettait la répudiation que dans le cas dinconduite sexuelle ; lautre - qui prévalait du temps de Jésus - concédait au mari le droit de répudier son épouse pour des raisons subjectives, voire arbitraires. En obligeant Jésus à prendre position, les pharisiens espèrent quil va se mettre en porte à faux avec lopinion du plus grand nombre et perdre son crédit auprès des hommes qui lécoutent.
Adoptant le style de la controverse rabbinique, Jésus répond par une autre question, qui vise à recentrer le débat sur le véritable enjeu : les pharisiens en effet nargumentent pas à partir de la Loi originelle, mais à partir dune concession accordée par Moïse devant la sclérocardia (sclérose du cur) dun peuple incapable de respecter les directives du Dieu de lAlliance. Il est en effet écrit : « Tu ne commettras pas dadultère ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain » (Dt 5, 18.21). Voilà ce que Moïse avait « prescrit » de la part du Dieu dIsraël. Traduit en langage positif, cela donne : « Tu seras fidèle à la femme de ta jeunesse, celle qui fut ta compagne et la femme de ton alliance » (Ml 2, 14). Hélas le poids de la faiblesse morale de lhomme retombait sur la femme, sans que celle-ci nait aucun recours contre larbitraire de son mari. Devant cette injustice, lacte de répudiation exigé par Moïse était une ultime tentative de préserver le minimum de droit à lépouse ; ce document en effet lui permettait déchapper à la honte du soupçon dinconduite, et de se remarier en toute légalité.
En se référant « au commencement du monde », c’est-à-dire au projet du Créateur, Jésus nous rappelle que ce qui est « permis » dans le but dendiguer les abus, ne doit pas nous détourner de ce qui est « prescrit », c’est-à-dire de ce qui correspond à lappel de Dieu sur lhomme et la femme. Les manquements à lamour sont inévitables, mais la miséricorde envers nos faiblesses nabroge pas lobligation de poursuivre notre effort sur le chemin de la charité parfaite. Dieu attend de nous quavec laide de sa grâce, nous poursuivions notre effort pour demeurer fidèles à son dessein initial sur lhumanité, sans prendre prétexte des « tolérances » pour demeurer dans la médiocrité des tièdes.
Lactualité de cette parole est trop criante pour quil soit nécessaire dinsister. Ne disposant pas de la sagesse dun Moïse, le législateur semble avoir perdu le souci de préserver le minimum des droits du plus faible, et sest mis au service des revendications du plus grand nombre - ou du moins de ceux qui se font le plus entendre. Aussi, à force de multiplier les concessions en matière de morale, tout semble permis, et linertie du péché entraîne notre société irrésistiblement à la dérive de ses passions non réfrénées. Ainsi lavortement, qui était à lorigine considéré comme un « crime », est devenu un délit dépénalisé, puis un fait toléré, bientôt une pratique banalisée, en attendant dêtre un « droit » reconnu. Quen sera-t-il demain de leuthanasie ?
Il est important que le chrétien se souvienne que ce que permet la loi civile noblige pas ; et même si elle venait un jour à obliger contre la voix de notre conscience, cest cette dernière qui doit toujours avoir le dernier mot, car « il faut obéir à Dieu plutôt quaux hommes » (Ac 5,29).