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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Férie de Carême

Jésus s’adresse aux « prêtres et aux pharisiens » dont l’hostilité est de plus en plus explicite. Plutôt que de les affronter dans une discussion stérile, il leur propose une parabole, espérant ainsi toucher leurs cœurs et les amener à se convertir. Le thème de la vigne avait déjà été proposé par Isaïe (Is 5, 1ss) dans le contexte de l’élection d’Israël. Saint Jean Chrysostome en élargit l’interprétation : la vigne représenterait selon lui l’ensemble de la création, que Dieu a pris le temps de façonner avec amour, avant de la confier à l’homme le sixième jour (Gn 1, 28) « pour qu’il la travaille et la garde » (Gn 2, 15). Dieu peut alors se retirer : « il partit en voyage » selon la parabole ; « il se reposa le septième jour, de toute l’œuvre qu’il avait faite » selon la Genèse (2, 2). Dans cette perspective universaliste, les vignerons à qui la vigne est confiée en fermage représenteraient donc toute l’humanité, y compris chacun d’entre nous.
L’attention que porte le propriétaire à sa vigne, son investissement personnel dans sa plantation, le soin dont il l’entoure, suggèrent l’attachement de cet homme à son vignoble. Aussi est-il en droit d’en attendre une récolte proportionnée au travail consenti. Dans la Bible, le vin, fruit de la vigne, symbolise habituellement l’amour. On devine que le divin Maître attend des hommes à qui il a confié toute sa création, qu’ils lui rendent amour pour amour : à l’initiative du Père devrait correspondre la reconnaissance filiale de la créature pour le don gratuit de « la vie, du mouvement et de l’être » (Ac 17,28).
Or c’est ici que les choses se gâtent : les vignerons non seulement refusent de « remettre le produit de la vigne », mais ils traitent les serviteurs du propriétaire avec violence. Au lieu de l’amour espéré, Dieu ne récolte que l’indifférence voire la haine de ceux qui refusent d’entrer dans la dépendance d’une relation filiale. Lorsque Voltaire rejette avec mépris le Dieu chrétien comme « infâme », il n’est pas pour autant athée : c’est la proximité d’un Dieu personnel qui viendrait se mêler de ses affaires qu’il récuse avec passion. L’homme pécheur, enfermé dans la peur (Gen 3, 10), préfère le Dieu lointain, indifférent du déisme ou le divin impersonnel des naturalismes, au Dieu proche de la Révélation judéo-chrétienne, considéré comme trop « encombrants ». Et lorsque le Père « finalement envoya son fils en se disant : “ Ils respecteront mon fils ” », les hommes manifestent ouvertement leur refus de la logique de l’amour et du don, à laquelle ils opposent celle de la haine et de la violence ; ils « se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent »,.
Arrivé à ce point du récit, Jésus interrompt abruptement la parabole pour inviter ses auditeurs à construire eux-mêmes la suite des événements. Sans hésiter, les « chefs des prêtres et les pharisiens » attribuent au Maître de la vigne l’intention de « faire périr » les coupables et de « donner la vigne à d’autres vignerons », mais… sans plus faire de cas de son fils assassiné !
Devant une telle caricature de la paternité - qui trahit la dureté de cœur de ses interlocuteurs - Jésus les renvoie aux Ecritures. Non Dieu ne saurait abandonner son Fils dans la gueule de la mort, ni « laisser son Saint voir la corruption » (Ac 2,27). « L’œuvre du Seigneur » consistera précisément à tirer un plus grand bien de la malice même des hommes, en construisant la Jérusalem céleste sur « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs » et qui sera érigée en « pierre d’angle ».
La Passion d’amour du Christ pour nous, nous révèlera la miséricorde du Père, qui « ne veut pas la mort du méchant, mais plutôt qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive » (Ez 18, 23). C’est en nous exposant à cette charité divine qui rayonne de la Croix glorieuse de notre Sauveur, que se liquéfieront nos cœurs de pierre et que nous deviendrons capables d’aimer à notre tour, « faisant enfin produire son fruit » à la vigne du Seigneur.


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