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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Férie de Carême

Cette parabole fameuse, souvent appelée « l’évangile dans l’évangile », présente plus d’un paradoxe. Par exemple, elle qui est racontée pour illustrer la miséricorde, ne fait presque aucun cas du désir de conversion. Le fils cadet, indélicat jusqu’à l’insolence, réclame son héritage et part dans un pays lointain et inconnu ; puis il rentre parce que la faim le tenaille. Le fils aîné, fidèle et travailleur, s’emporte et dit dans la colère sa jalousie pour le traitement réservé au fils indigne ; l’histoire s’achève sans que l’on sache quel effet fit sur lui la réponse de son père et s’il entra finalement dans la maison familiale.

Certes, dans cette parabole, l’accent n’est pas mis sur le désir de conversion mais sur le désir et l’agir de Dieu qui vient chercher ses enfants. Mais quel Dieu ? Dans cette courte histoire, son nom n’est même pas mentionné ; tout au plus trouvons une allusion dans la bouche du fils cadet qui s’accuse d’avoir « péché contre le ciel ».

Dans cette apparente contradiction se cache cependant l’aspect le plus émouvant et le plus profond de notre relation à Dieu. C’est dans les relations interpersonnelles que le Seigneur montre en effet son visage, c’est là que la parabole nous invite à trouver notre lieu de conversion.

Le père de ce récit, nous le savons, est l’image de notre Seigneur. Il est dit en effet qu’il est ému jusqu’aux entrailles lors du retour de son fils. Notre traduction dit ici qu’il « fut saisi de pitié ». Le verbe grec qui décrit cette émotion est caractéristique dans l’évangile de Luc pour dire la miséricorde du Seigneur Jésus. Il l’emploie par exemple pour décrire les sentiments du Bon Samaritain ou du roi qui sauve son débiteur. On peut aussi remarquer que dans ces autres paraboles comme dans celle que nous lisons aujourd’hui, il s’agit d’un débordement de vie après avoir traversé la mort.

Le père est donc au centre de l’histoire, comme figure de notre Dieu qui révèle son visage au cœur de notre relation avec lui.

Prenons d’abord l’exemple du fils cadet. Après avoir dilapidé sa fortune, il se retrouve à garder les porcs et à souffrir de la famine. Saint Luc nous dit qu’« il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais [que] personne ne lui donnait rien ». Voyons bien où est la souffrance de ce fils. Elle n’est pas d’abord dans la faim. En effet, il est seul à garder les porcs. Si les gousses lui font tant envie, personne n’ira compter si les gousses ont été mangées par les porcs ou par leur gardien ! Il ne souffre pas de ne pas pouvoir se servir, mais de ce que « personne ne lui donnait rien ». Il attend d’une relation interpersonnelle de recevoir la vie.

« Alors il réfléchit ». Faisant l’expérience de la solitude, n’ayant plus personne avec qui parler, il revient en lui-même. Il pense aux ouvriers de son père qui méritent leur pain ; il entame alors un dialogue intérieur avec son père, qu’il regarde donc comme un patron. Mais peu importe pour l’instant la justesse de son regard, il est entré en relation avec son père, le chemin du salut est ouvert.

Le fils aîné présente la même attitude. En effet, même s’il n’a pas quitté la maison paternelle, il est perdu lui aussi, perdu dans le travail. « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres ». Etre maître de soi en toutes circonstances, être conforme à une image convenue ans jamais écouter les désirs de son cœur, constitue la face visible de son esclavage. Sa révolte se cristallise sur le fait qu’il n’a pas de chevreau pour faire la fête. Le fait est surprenant, puisqu’il a reçu lui aussi sa part d’héritage ! Il a donc bien de quoi s’offrir un chevreau et même un veau pour faire la fête avec ses amis. Mais il formule là un regret vis-à-vis de son père, un manque dans leur relation ; autrement dit il attend de lui qu’il le lui donne. Lui aussi a soif de l’établissement d’une relation.

La réponse du père lui montre que, dans son cas, il a été simplement aveugle : « tout ce qui est à moi est à toi ». En lui donnant son héritage, le père n’a rien retenu et l’a fait l’égal de lui-même.

Tel est le programme de carême pour cette journée : sortir de tous nos exils volontaires qui font notre malheur parce qu’ils corrompent notre relation à notre Père des Cieux, ouvrir les yeux sur la magnificence de l’Alliance qui nous unit pour toujours à notre Père bien aimant. Alors que nous réclamons petitement des chevreaux, il nous offre sa maison ; alors que espérons secrètement qu’il fasse de nous ses serviteurs, il nous revêt de la tunique des fils.


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