Homélie
Férie du Temps Pascal
« Le serviteur nest pas plus grand le maître ». Jésus rappelle cette évidence pour écarter toute interprétation ambiguë du lavement des pieds. Certes, Jésus, le maître, sabaisse devant ses disciples pour lhumble service du lavement des pieds. Mais il ny a pas substitution. Il y a exemple. Le maître néchange pas sa place avec le disciple, il enseigne quel doit être lattitude du disciple qui veut ressembler au maître.
Savoir cela, recevoir cet enseignement, nous rend heureux si on le met en pratique. Le sort du disciple et du maître sont liés, le ressuscité nous montre ce terme glorieux et heureux. La Pâque a été célébrée, le passage a été ouvert, mais le disciple nest pas plus grand que le maître, il lui faut suivre à présent cette voie. Il doit persévérer dans la tâche du service enseignée par le maître, sachant comment la route sachève... Le paradoxe de lévangile de ce jour est de trouver son sommet dans lannonce de la trahison dun frère, dun intime avec qui lon partage le pain.
Suivre Jésus expose donc à la trahison des frères. Elle ne manquera dailleurs pas darriver parce que le disciple nest pas plus grand que le maître.
Cette annonce ne saurait cependant troubler la joie de la résurrection qui nous anime. En premier lieu, parce que cette trahison pourra être assumée sans que la foi en Jésus défaille. Comment le pourrait-elle puisque cette trahison ne fait quaccomplir la Parole ? Elle fait partie du chemin que Jésus nous indique et nous décrit à lavance. Elle ne le met donc pas en défaut. Elle devient même un critère de conviction : « lorsqu’elles arriveront, vous croirez que moi, JE SUIS ». Ces événements tragiques prennent un sens et dévoilent lidentité de Jésus. Autrement dit, ils nous disent que Jésus est Dieu, quil est le Ressuscité ! Quelle étrangeté.
Pour le comprendre, il ne faut pas sarrêter aux résistances charnelles face à linjustice et à la souffrance mises en perspective. Jésus nous enseigne comment nous comporter envers le « traître » : il lave les pieds de Pierre. Son exemple est celui de la charité fraternelle prévenante. Jésus aime le premier et suscite en retour lamour.
La clé de cet amour est dans lhumble service accompli. Il trouve une verbalisation sur la plage de la mer de Galilée, lorsque Jésus ressuscité interroge celui qui la renié : « Pierre, maimes-tu ? ». Jésus a fait le premier pas de lamour. Son attente est alors la même quau soir du lavement des pieds. Sa détresse est la même que sur la Croix. « Jai soif » criait Jésus à Pierre et à tous les hommes dont il attend une réponse damour au delà de leur trahison.
Cet amour est grand et adorable, il est la condition du pardon. Il faut peut être nous arrêter un instant pour bien prendre conscience de cette antécédence. Nous adoptons facilement en effet une autre logique : Dieu nous pardonne, donc nous devons laimer en retour. Lévangile de ce jour adopte une autre démarche : Dieu nous aime donc il nous pardonne. Dieu scelle une alliance avec nous, et répond à notre trahison par le pardon, fondement dune alliance nouvelle. Lamour est premier, il engendre la miséricorde.
« Je vous dis ces choses dès maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez que moi, JE SUIS », nous dit Jésus. Il ne nous invite donc pas à nous raidir dans la peur de la trahison prochaine mais à nous rappeler, au cur de cette rupture, quil est Ressuscité. Jésus veut faire naître en nous lespérance et la joie : le disciple qui choisit de suivre les chemins de son maître sera capable lui aussi dun humble service charitable qui ouvrira au pardon et rendra possible le salut pour tous les hommes. Car celui qui accueille celui que le Fils envoie, reçoit le Fils, et qui reçoit le Fils accueille le Père, source de la vie éternelle.