Homélie
5e dimanche de Pâques
« Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie et de grande valeur ; celui qui lui donne sa foi ne connaîtra pas la honte. Ainsi donc, honneur à vous qui avez la foi, mais, pour ceux qui refusent de croire, l’Écriture dit : La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber. » La première lecture de saint Pierre qui nous a accompagnés durant les quatre premiers dimanches de ce temps pascal nous offre aujourdhui une interprétation christologique du verset 22 du Psaume 118 : « La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre dangle ; voici luvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. » Lapôtre précise que pour le croyant, il sagit dune pierre précieuse, « choisie et de grande valeur » et que pour lincroyant, elle se révèle pierre dachoppement, « une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber ».
La mise en rapport du Christ pierre dangle avec la foi ou la non-foi en lui nous renvoie à lévangile de ce jour où Jésus exhorte ses disciples par ces mots : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». Le Christ ressuscité est pour les croyants ce roc sur lequel ils peuvent sappuyer dans les moments de doutes, dépreuves.
Par son incorporation au Christ le jour de son baptême, le chrétien devient une « pierre vivante » au service de la construction de lédifice spirituel quest lEglise le Corps du Christ. Tout au long de son existence, il est amené à concrétiser cela par loffrande de tout ce quil vit, particulièrement des moments douloureux et pénibles. Cest là quil est exerce son sacerdoce baptismal (Cf. 2ème lecture) enraciné dans une foi vivante reposant sur le Christ mort et ressuscité, victorieux du mal et du péché. Cest sans aucun doute dans les moments difficiles de sa vie où la croix se fait présente, que le croyant pourra découvrir de façon privilégiée quil est appelé à prendre part dune certaine manière au mystère pascal du Christ.
Dans notre passage évangélique, le Christ, pierre angulaire, se présente aussi comme le Chemin, la Vérité et la Vie : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi ». Il est celui qui nous précède pour nous préparer une place dans la demeure éternelle. Il est le Chemin qui nous conduit vers le Père. Il désire que chacun de nous puisse parvenir à la maison du Père, que chacun de nous le retrouve là où il nous précède pour faire partie de la famille de Dieu.
La foi en Christ mort et ressuscité est Vie en tant quelle nous révèle la Vérité de lAmour du Père pour le Fils et en lui pour chacun de nous et en tant quelle est Chemin daccès à cet Amour inépuisable. Nous ne pourrons être des pierres vivantes de lEglise que si notre être de chrétien puise à cette source intarissable de lAmour du Père à travers notre foi en Christ mort et ressuscité.
Ainsi, à travers le Christ « Chemin, Vérité et Vie », nous découvrons que cest lAmour du Père qui est la pierre de fondation de toute notre vie. Cest ce que célèbre le psalmiste dans le psaume 32 (33) de notre liturgie dominicale lorsquil déclare en parlant du Seigneur : « la terre est remplie de son amour. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine ».
Nous avons toujours besoin de revenir à cette vérité de notre vocation baptismale. Nous avons toujours besoin de redécouvrir le Christ en tant quil nous donne accès à lAmour du Père comme la pierre angulaire de lédifice de notre existence chrétienne et à travers elle de lEglise toute-entière.
Dès lors, nous comprenons combien est capital pour nous lacte de foi en Christ mort et ressuscité. Si tout ce que nous vivons, dans notre prière, dans nos joies, nos peines, notre engagement au service de tous, repose sur lui et à travers lui senracine dans lAmour du Père, alors toute notre existence portera un fruit de vie éternelle. Nous participerons alors réellement à la construction du Corps du Christ qui est lEglise.
La foi en Christ mort et ressuscité est la source de la fécondité de tout apostolat. Dans lévangile, Jésus nous exhorte : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes uvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père ». De même que les uvres et les paroles de Jésus sont uvres et paroles du Père, le croyant accomplira les mêmes uvres que Jésus voire même de plus grandes encore. Il ne sagit pas ici dopérer des miracles encore plus prodigieux que ceux de Jésus. Non, Jésus veut dire que celui qui met sa foi en lui pourra mener à leur accomplissement les signes quil a annoncés dans lévangile : « donner la vie aux croyants » (Jn 17,2), « rassembler les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52) et triompher du monde (Jn 16,8-11). Voilà la mission de tout baptisé qui repose sur sa foi en Jésus, Fils du Père, mort et ressuscité. Par elle, il coopère à laction salvifique du Fils : réconcilier les hommes avec le Père pour jouir éternellement de sa vie divine.
Et si le danger de nous attribuer ces « uvres plus grandes » nous guettait, pour bien nous montrer quen tout cest lui et en lui le Père qui demeure la source, Jésus ajoute : « puisque je pars vers le Père » et « tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils ».
« Seigneur, daigne nous accorder, à lexemple des premiers apôtres, de garder nos curs sans cesse tournés vers toi pour toffrir ceux vers qui tu nous envoies. Que le témoignage auprès deux de notre vie offerte pour toi porte un fruit de vie éternelle. Fortifie notre foi pour que toute notre existence reposant sur toi, lunique pierre dangle, annonce que toi seul est le chemin, la vérité et la vie (Cf. Jn 14,6). »