Homélie
Férie du Temps Pascal
« Voici que tu parles ouvertement, sans employer de paraboles. Maintenant nous savons que tu sais toutes choses, et qu’il n’y a pas besoin de t’interroger : voilà pourquoi nous croyons que tu es venu de Dieu. » Les disciples se félicitent que Jésus leur parle désormais clairement et non plus à travers ces paraboles qui leur étaient impossibles à déchiffrer.
« Nous savons que tu sais toutes choses voilà pourquoi nous croyons ». Les disciples se sont en fait laisser induire en erreur. Ils disent quils croient parce que maintenant ils savent, parce que tout leur semble clair au sujet de Jésus. Ils pensent croire mais en réalité ils nont pas encore adhéré pleinement dans la foi à la personne du Christ. En effet, la foi ne résulte pas seulement dune adhésion de la pensée à ce quest Jésus. Elle consiste aussi et avant tout à sengager de tout son être dans les pas du Christ, à lui remettre toute sa vie, dans un abandon total, en renonçant à toute volonté de maîtriser quoi que ce soit sur le chemin où cela nous conduira.
Jésus a bien perçu la méprise des disciples et la lacune de leur confession de foi. Cest pourquoi il les renvoie à lHeure de sa Passion, à lépreuve suprême qui sera pour eux le lieu de vérification de leur foi. Jésus a explicité clairement aux disciples quil est sorti dauprès du Père, quil est venu dauprès de lui pour sauver les hommes. Maintenant que cela leur ait apparu, ils le croient. Mais sont-ils prêts pour autant à adhérer à ce que la réalisation de ce salut impliquera ? Sont-ils prêts à accepter les circonstances dans lesquelles il saccomplira ? Croire cest aussi cela.
La suite de lévangile, nous le savons bien, montrera quils ny étaient pas prêts. Il leur faudra encore cheminer : « L’heure vient - et même elle est venue - où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul ». La dispersion au moment du dernier combat de ceux qui jusque là le suivaient ne plongera cependant Jésus que dans une solitude apparente : « Je ne suis pas seul puisque le Père est avec moi ». Il ny a pas de plus claire affirmation de la présence du Père aux côtés de Jésus dans sa Passion, présence si bien représentée dans les mosaïques antiques que lon voit à Rome par cette main (celle du Père) qui troue le velum céleste et demeure au-dessus du Fils cloué sur la croix.
Certes Jésus seul a souffert dans son corps et dans son âme puisque seul le Fils a pris chair de notre chair. Cependant, en raison de l’inhabitation réciproque des trois Personnes divines, nous devons maintenir que mystérieusement, la Trinité tout entière est impliquée dans le drame de la Passion, chacune des Personnes divines selon la part qui lui échoit dans l’économie du salut.
Il est beau de voir que Jésus ne reproche rien à ses disciples. Au contraire, il termine par une parole dencouragement : « Je vous ai dit tout cela pour que vous trouviez en moi la paix. Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance : moi, je suis vainqueur du monde. » Jésus sait bien lépreuve de la foi que devront traverser ses disciples. Jésus sait bien quelle impression de solitude et dabandon les chrétiens de tous les temps devront affronter au milieu des souffrances, des tentations et des nuits de ce monde. Il sait bien tout cela parce quil le traversera avant nous. Mais il vient de nous dire ainsi quà ses disciples que le Père est toujours là. Par la victoire de sa Passion, Jésus, le Fils Bien-aimé, nous a ramené dans la main du Père dont aucun mal aussi puissant soit-il ne saurait désormais nous arracher. Jésus nous rappelle la gratuité de lamour du Père qui nous précède toujours sur notre chemin de foi ici-bas.
« Seigneur, fais-nous la grâce de nous laisser saisir par cet amour que le Père nous offre à travers toi sans aucun mérite de notre part. Que nous trouvions là, malgré nos trahisons et nos infidélités dans notre marche à ta suite, la force de toujours nous relever et de nous abandonner toujours plus entre tes mains. »