Homélie
Saint Pie X
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils ». La dimension nuptiale du Royaume est ici clairement mise en évidence. Lunion nuptiale de Dieu avec son peuple, annoncée dans la Première Alliance, se trouve accomplie par la venue en ce monde de notre Seigneur Jésus-Christ : « Les compagnons de lépoux peuvent-ils mener le deuil tant que lépoux est avec eux ? » (Mt 9,14).
Le drame de la parabole qui nous est livrée ici se joue dans la réponse à lappel du roi de ceux quil invite aux noces de son fils. En réalité, nous devrions plutôt dire dans la non-réponse. Car lindifférence et la non-volonté sont au rendez-vous de linvitation du roi : Certains ne veulent pas venir ; dautres considèrent quils ont des affaires plus importantes à régler, qui son champ, qui son commerce ; dautres enfin, vont même jusquà maltraiter et tuer les serviteurs envoyés par le roi, manifestant par cette violence leur rejet fondamental de son appel.
Pourtant, tout était prêt. Lépoux était là, le festin disposé. Il ne manquait plus quà se réjouir.
Le refus des invités nen est que plus choquant. Nul doute que Matthieu vise particulièrement ceux qui parmi les juifs refusèrent lannonce des apôtres et des missionnaires de lévangile. Et il ne serait pas non plus étonnant que par les représailles du roi à lencontre de ses offenseurs, ainsi que par la destruction de la ville, il fasse allusion à la destruction et à la ruine de Jérusalem.
Jusquici, nous pourrions peut-être nous considérer à labri de toute remise en question. Mais ce serait nous méprendre. Continuons un peu la lecture de notre parabole
Face au refus de ses premiers invités, le roi envoie alors ses serviteur rassembler tous ceux quils rencontreront sur leur route. La référence à lEglise en qui se mêlent le bon grain et livraie, « les mauvais comme les bons » est sans ambiguïté. Et cest alors que nous nous découvrons sans aucun doute beaucoup plus concernés.
Une fois les nouveaux invités arrivés dans la salle du banquet, la parabole nous dit : « Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce,
et lui dit : ’Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ’Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.’ »
Le récit culmine en un nouvel avertissement qui cette fois concerne clairement les chrétiens. Baptisés, ne sommes-nous pas invités sans aucun mérite de notre part au banquet du Royaume ? Le salut ne nous est-il pas offert gratuitement ? Mais sommes-nous conscients que pour goûter ce salut, nous devons aussi nous convertir, changer dhabit, quitter définitivement notre vieux vêtement pour revêtir le vêtement nouveau de la conversion, de la foi, de la grâce.
Certes, tout homme peut accéder au salut, aussi pécheur soit-il, mais pour en accueillir lefficacité, il doit consentir à sa conversion. Appartenir passivement à lEglise ne suffit pas pour être sauvé. Il est aussi nécessaire de vivre les exigences de son baptême qui pousse à la conversion dans le quotidien de sa vie. Mais peut-être est-ce cela appartenir à lEglise ?
« La multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. » Ce qui est dit ici au sujet des appelés et des élus ninvite pas à faire les comptes entre ceux qui sont sauvés et ceux qui sont damnés. Il est à relever quun seul est damné par le roi au milieu dune foule dinvités qui tous ont revêtu le vêtement de noce. Non, cette phrase est bien plutôt une invitation pressante à nous convertir pour ne pas être dans les conditions de celui qui se trouve jeté dans les ténèbres. Cette parabole lève pour nous le voile sur luniversalité du salut de Dieu mais aussi sur notre responsabilité dans son accueil et son appropriation.
« Seigneur, puissions-nous prendre toujours plus au sérieux et dans laction de grâce le don merveilleux de la vie éternelle que tu nous as fait le jour de notre baptême. Ce sera pour nous la meilleure manière de nous préparer à prendre un jour part dune façon définitive à ton banquet céleste. »