Homélie
Férie
« Le Fils de lhomme est maître du sabbat » : Par ces mots, Jésus touche à une des institutions les plus fortes et les plus identitaires du Judaïsme. Pour le juif, le sabbat se présente avant tout comme une invitation à imiter Dieu qui sarrête au terme de son uvre créatrice. Par son travail, lhomme imite lactivité du Dieu créateur, par le chômage du septième jour, il imite le repos sacré de ce même Dieu qui sanctifie sa création et, en son centre, lhomme quil a modelé à son image et à sa ressemblance. Ainsi, à travers le respect du sabbat, le peuple dIsraël garde en mémoire que Dieu le sanctifie et découvre peu à peu que le vrai repos ne se réduit pas à la cessation de lactivité mais à son accomplissement.
Mais quel homme pourrait soutenir avoir achevé son uvre au soir du sixième jour ? Et quel homme pourrait justement prétendre au repos sacré du septième ? Si lhomme sarrête le jour du sabbat, nest-ce pas, somme toute, pour mieux reprendre, dès le lendemain, son activité ?
Limitation à laquelle la loi du sabbat convie lhomme nest en réalité quune succession de pauses et de reprises. Pour lhomme, le sabbat ne sera jamais pleinement réalisé ici-bas. Il ne sera, en fait, quune relance pour un repos sanctifié toujours davantage. Il y aurait illusion à croire que limitation du Créateur pourrait être parfaite. Car en tant quimitation le sabbat de lhomme ne restera toujours quune imitation du sabbat de Dieu. Mais loin dêtre une limite, cela en fait au contraire toute sa richesse.
Par la succession darrêts et de reprises quil impose à lhomme, le sabbat le garde de tout mythe prométhéen. Il vient purifier en lhomme le désir de luvre envisagée et lui apprend à la recevoir de Dieu. Pour rester dans la symbolique biblique, on pourrait dire que le sabbat vient ébranler au fondement la tour de Babel que tout homme est tenté de se construire.
Quel est donc lhomme qui pourrait se prétendre « maître du sabbat » ? Le Fils de lhomme ? Mais se fait-il pour autant légal du Créateur ? En réalité, qui se fait légal de Dieu ? Celui qui se présente comme le « maître du sabbat » ou bien celui qui veut à tout prix quen Dieu « repos » sidentifie à « inaction » ?
Mais voilà, au terme de la création, « repos de Dieu » nest pas synonyme dinactivité : Dieu continue de régir le monde et de vivifier les hommes. Cest bien ce que Jésus a conscience dimiter et quil accomplira en plénitude dans sa résurrection. Le sabbat de lhomme rejoindra alors le sabbat de Dieu. Le devenir sera un éternel présent et le présent sera un éternel devenir en Dieu. En Jésus ressuscité, la distance entre lhomme et Dieu sera définitivement abolie. Voilà pourquoi, la clôture de la loi, gardienne de vie pour lhomme qui tendrait à se faire légal de Dieu, peut en Jésus être définitivement franchie. Oui, seul le Fils de lhomme est bien le maître du sabbat. Et en lui tout homme est appelé à le devenir.
« Seigneur Jésus, fais-nous la grâce de grandir dans la liberté des fils de Dieu, en vivant le dimanche, notre sabbat à nous, comme ce moment fort de rencontre avec toi et en assumant notre engagement chrétien non comme un fardeau mais comme la possibilité de réaliser et dexprimer en plénitude limage de toi que nous sommes. »