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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Férie

Ces versets - et ceux qui vont suivre - constituent la charnière entre la première et la seconde partie de l’Évangile de saint Luc, qui en compte trois. Le premier volet du triptyque était centré sur la question : « Qui donc est cet homme qui parle avec autorité et commande avec puissance aux esprits mauvais ? » (cf. Lc 4,37). Le second volet, qui commence au verset 9, 51 nous présentera la montée de Jésus à Jérusalem ; le troisième nous introduira au mystère du vainqueur de la mort et nous orientera vers le temps de l’Église, dont nous parlera le livre des Actes des Apôtres.
« Jésus priait à l’écart » : Luc ne précise pas le lieu du dialogue, car sa géographie est exclusivement centrée sur Jérusalem où le Christ doit accomplir sa Pâque. Par contre, il précise le lieu « théologique » d’où va surgir non seulement la question posée par Jésus à ses disciples, mais bien plus encore son cheminement pascal. Ce lieu n’est autre que la prière du Fils, qui repose dans le Cœur du Père où il puise la force de « prendre avec courage la route de Jérusalem » (Lc 9,51). Saint Luc insiste tout particulièrement sur la prière de Jésus : il précise que « Jésus priait » au moment de recevoir le baptême (Lc 3,21) ; il prie avant d’appeler ses apôtres (6, 12) ; il prie avant de monter à Jérusalem pour y accomplir la volonté de son Père (9, 18) ; il prie au moment d’être immergé dans le « baptême » (12, 50) de sa mort (22, 41).
Dans la première partie de l’Évangile, ce sont les hommes qui s’interrogent sur l’identité de Jésus. Celle-ci ne leur sera cependant révélée qu’au terme de la seconde partie : au sommet du Sacrifice rédempteur c’est un païen, un centurion romain, qui, voyant la manière dont Jésus avait expiré, « rendait gloire à Dieu » en confessant : « sûrement cet homme était un juste » (Lc 23,47). Il est même le seul « Juste », celui qui nous justifie, c’est-à-dire qui nous donne accès à sa propre intimité filiale avec son Père, dans l’Esprit.
Mais avant de monter résolument à Jérusalem, Jésus prend l’initiative d’interroger lui-même ses disciples sur son identité, afin de les inviter à orienter leur regard non pas vers le pain de la terre que le Seigneur vient de multiplier en surabondance (Lc 9,10-17), mais vers le Sacrifice eucharistique que préfigure ce pain. Jésus pose deux questions bien distinctes.
La première concerne le cercle des sympathisants extérieurs au groupe des disciples : « Pour la foule, qui suis-je ? » La réponse ne manque pas d’intérêt : « Un prophète ressuscité ». L’allusion à la Résurrection situe Jésus dans la perspective de l’espérance messianique la plus audacieuse ; mais l’erreur de la foule consiste à réduire Notre-Seigneur à une « résurgence » du passé : « un prophète d’autrefois qui serait ressuscité ». Pour « la foule », la Résurrection n’est pas devant, comme objet d’espérance, terme du cheminement et ouverture à la nouveauté du Royaume ; mais elle est derrière, reléguée dans un passé révolu. Elle n’arracherait donc pas à la caducité de ce monde, et en ce sens elle serait vaine. La venue de Jésus s’inscrirait dans la répétition stérile du même.
La seconde question, adressée au cercle des intimes, tranche par son caractère personnel : « Et vous que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » Contrairement à l’habitude, ce n’est pas le disciple qui pose la question au maître, mais c’est ce dernier qui prend l’initiative. Le disciple est invité à se laisser interroger et à se prononcer sur l’identité de son Maître, afin de pouvoir accéder, dans sa réponse, au statut de compagnon qu’il revendique. Comme la réponse à cette interrogation est constitutive de l’Église, il est important que ce soit Pierre qui la formule au nom de tous : « Le Messie de Dieu ». La suite du récit nous montrera cependant que Pierre n’a pas (encore) compris que le Messie qui vient de Dieu, doit retourner à Dieu par le chemin de sa Pâque, pour que sa mission puisse porter son fruit dans nos vies. Aussi Jésus reprend-il « vivement » son apôtre, comme il interpelle « vivement » les démons qui proclament une identité messianique ambigüe. Cette incompréhension va perdurer jusque sur la croix, où le démon tentera une ultime fois de détourner Notre-Seigneur de sa mission rédemptrice en lui faisant miroiter une gloire toute humaine : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! » (Lc 23,35).
Contrairement à nous qui cherchons à tout prix à « sauver » notre vie, Jésus la donne délibérément - « Nul ne me prend ma vie, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18) - il la livre entre nos mains - « Prenez et mangez : ceci est mon corps, livré pour vous » (Lc 22,19). Or c’est précisément dans la prière que Notre-Seigneur acquiert cette suprême liberté intérieure, dans la certitude que rien, « ni la mort ni la vie, ni présent ni avenir » (Rm 8,38), ne peut le séparer de l’amour de son Père. Aussi peut-il s’abandonner avec une infinie confiance entre ses mains (Lc 23,46) sûr qu’il le « ressuscitera le troisième jour ».

« Seigneur, tu me répètes à chaque page de ton Évangile qu’il me faut traverser la mort pour entrer dans la vraie vie, et pourtant je persiste à mettre tout mon espoir en ce monde qui passe, comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Aujourd’hui je veux m’exposer à ta Parole, me laisser transpercer par ton interrogation : “Pour toi, qui suis-je ?”. Donne-moi la patience de laisser germer dans mon cœur une réponse vraie, personnelle ; qui jaillisse de ma relation avec toi, relue à la lumière de ton Esprit. »


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