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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Férie

Jésus vient de rendre la parole à un muet en chassant un démon. Mais cette œuvre de miséricorde suscite la division. « Les foules étaient dans l’admiration », alors que les adversaires du Seigneur, jaloux de son ascendant sur le peuple, refusent de reconnaître qu’un exorcisme puisse être un signe messianique. A nouveau surgit la question : par quelle autorité agit ce Rabbi hors du commun ? Pour la foule, il manifeste par ses œuvres qu’il est envoyé de Dieu ; pour les autres rien n’est moins sûr : sa puissance ne viendrait pas « d’en-haut », mais « d’en bas » : c’est de « Béelzéboul, le chef des démons », qu’il tiendrait son pouvoir. Et s’il prétend le contraire, eh bien qu’il le prouve : qu’il donne « un signe venant du ciel » confirmant ses prétentions.
Quand les passions se déchaînent, le bon sens prend congé. Jésus n’a aucune peine à montrer la contradiction interne de l’argumentation : depuis quand Béelzéboul s’attaquerait-il à son propre Royaume ? D’autant plus que d’autres avant Jésus ont accompli des exorcismes : la tradition juive exerçait ce ministère en utilisant des prières et des rituels sensés remonter à Salomon. Ce n’est pas le fait de chasser un démon qui constitue un signe messianique, mais bien la manière de prendre autorité sur l’esprit du mal. C’est en effet « par le doigt de Dieu », c’est-à-dire par une intervention immédiate du Très-Haut, que le démon a été chassé et que la parole a été rendue à cet homme. En affirmant que c’est « par le doigt de Dieu qu’il expulse les démons », Jésus s’identifie au Dabar divin, à la Parole agissante du Tout-Puissant, intervenant dans le cours de l’histoire pour y instaurer « le Règne de Dieu ».
L’annonce est solennelle et se poursuit en termes de victoire militaire : le pouvoir de l’Ennemi est arrivé à son terme ; « un plus fort » est venu pour le vaincre, le dépouiller et le jeter dehors. Dans ce combat eschatologique, qui a commencé au désert et culminera sur la croix, chacun est appelé à se positionner. Impossible de garder une soi-disant neutralité : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » ; celui qui ne participe pas à l’œuvre de rassemblement en vue du Royaume commencée par Jésus, poursuit l’œuvre de destruction et de dispersion menée par le Satan.
Un élan passager, un enthousiasme éphémère ne suffisent pas : celui qui a « balayé et bien rangé » sa demeure intérieure dans l’élan d’un mouvement de conversion, mais qui n’est pas allé jusqu’au bout de la démarche en acceptant la seigneurie du Christ, reste en danger. S’il croit pouvoir continuer une vie tranquille dont il garde la parfaite maîtrise, il retombera bien vite sous le joug de l’Ennemi ; car celui-ci demeure à l’affût, et s’apprête à revenir à la charge avec un supplément de troupes. Seule une appartenance radicale au « plus fort » nous met en sécurité, à l’abri des assauts de l’adversaire. La seule manière de chasser les ténèbres de nos vies, c’est de nous ouvrir à la lumière du Verbe de Dieu, et de demeurer dans son rayonnement.
La vie chrétienne n’est décidément pas de tout repos ; et c’est peut-être pour avoir voulu l’ignorer que tant de croyants ont fait défection, séduits par les discours mensongers du Prince de ce monde, qui ne parlent que de facilité, spontanéité, jouissance et autonomie. Comme des brebis égarées, ils se sont « dispersés » au lieu de se « rassembler » en réponse à la Parole de Dieu, qui les convoquait en Eglise pour les fortifier de sa présence. Nous sommes en perpétuel combat spirituel, et celui-ci exige une vigilance de chaque instant, un entraînement continu, dans une collaboration proche avec d’autres chrétiens. L’oublier, c’est déjà être vaincu. C’est en faisant mémoire, jour après jour, des œuvres de salut du Seigneur dont elle a bénéficié, que l’Église peut garder les yeux fixés sur son Sauveur. Aussi l’Eucharistie, mémorial de la Rédemption, est-elle par excellence le lieu de son rassemblement, où elle peut rendre grâce, se reposer, refaire ses forces et se laisser envoyer dans la puissance de l’Esprit.

« “De tout cœur, Seigneur, je rendrai grâce, je dirai tes innombrables merveilles” (Ps 9) ; car tu m’as délivré de l’ennemi par ta Parole toute-puissante et tu as fait advenir ton règne dans ma vie par la force de ton Esprit. Ne permets pas qu’oubliant tes bienfaits, je me disperse à nouveau dans les distractions de ce monde et que je m’épuise en quête de vanités éphémères. “Affermis ton trône dans ma vie” (Ibid.), établis ta seigneurie sur tout mon être ; “prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j’ai et possède ; tu me l’as donné, à toi, Seigneur, je le rends. Tout est à toi : disposes-en selon ta volonté. Donne-moi seulement ton amour et ta grâce : cela me suffit” (Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, n° 234). »


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