Homélie
Férie
« Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas ». Pour le remercier de son hospitalité, Jésus lui apprend à aller plus loin dans la vérité des relations sociales, à entrer véritablement dans les relations fraternelles. Profitons de la leçon nous aussi
Inviter Jésus à sa table peut en effet ne pas être désintéressé. Il y a beaucoup à y gagner. On gagne dabord en considération car celui qui reçoit quelquun dimportant doit considérer quil est lui-même important. A cette occasion, il faut aussi donner à Jésus la meilleure place, il faut donc le placer à côté de son hôte. Voilà une façon dobliger Jésus à être à côté de soi. Et bien dautres choses encore que les conventions sociales demandent et qui nous arrangent.
Jésus ne dénonce pas ces habitudes, il nous invite à en prendre de nouvelles. Il le fait en donnant une béatitude, c’est-à-dire en décrivant une situation paradoxale, désagréable ou insupportable aux yeux du monde, mais quil déclare heureuse, réjouissante, parce quelle assure le vrai bonheur.
Ainsi, nous dit-il, « n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi t’inviteraient en retour ». C’est-à-dire, les conventions sociales sont telles, quon finit par ne plus être capable de savoir si linvitation veut honorer quelquun ou flatter celui qui invite. En vérité, notre désir davoir, notre désir de reconnaissance sont tels quil nous est impossible de formuler une invitation vraiment gratuitement. Cela vaut dailleurs pour tout ce que nous entreprenons. Quand nous décidons dagir de telle manière que Dieu soit content de nous, nous le faisons souvent pour nous, pour la joie dêtre bien vu du Seigneur.
Le meilleur moyen de dépasser cette difficulté, Jésus nous le donne : nous mettre volontairement en situation de totale gratuité. Par exemple, inviter à dîner quelquun qui ne pourra pas nous le rendre. Alors, nous dit Jésus, « tu seras heureux ». Cest une porte dentrée dans le Royaume.
En effet, en nous occupant des petits et faibles, nous plaisons nécessairement à Dieu car il se soucie dabord de ces frères-là. Alors, Dieu, qui ne se laisse jamais vaincre en générosité, contracte envers nous une dette de reconnaissance. Et nous serons heureux, car la récompense quil accorde, cest sa vie donnée en partage. En outre, agir de la sorte nous prémunit contre les séductions de la vie sociale en nous maintenant dans la justice, dans la vérité de nos relations, c’est-à-dire comme prenant leur source en Dieu.
Enfin, ces comportements ouvrent notre cur. Bientôt en effet notre regard pour ces frères estropiés et boiteux change, et nous découvrons à quel point nous leur ressemblons. Nous réalisons que nous sommes lun dentre eux. Leur bonheur dêtre ainsi comblé gratuitement nous attire. Car nous cherchons de tout notre cur la grâce dêtre invité gratuitement à un banquet où on nexige rien de nous sinon dêtre là ; où on nattend rien de nous, sinon daccueillir le don qui nous est fait.
Voilà le chemin que Jésus nous ouvre. Comme il faut plus dhumilité pour accepter de laide que pour en donner, commençons bien vite à suivre la recommandation de Jésus. Nous entrerons alors peu à peu dans lesprit denfance. Nous connaîtrons la joie quil y a à donner et à recevoir sans rien attendre en retour. Nous découvrirons la gratuité de lamour. Nous connaîtrons enfin ce que notre Père des Cieux appelle être heureux avec lui et en lui.