Homélie
Saint Charles Borromée
« Heureux ». Encore une béatitude ; mais cette fois-ci, elle nest pas formulée par Jésus mais par un des convives. Cependant la parabole que Jésus raconte pour lui répondre est porteuse dune question directe et rude : toi qui te réjouis des conditions du banquet du royaume de Dieu, seras-tu de ceux qui répondent non ?
Ce banquet est spécial en effet. Il y a deux invitations pour y participer. Une invitation normale dabord. Elle est au passé, elle a déjà été envoyée, les invités ont déjà refusé. Ce qui est frappant est que ceux qui se sont excusés, nont manifesté aucun motif contre le repas ni contre lhomme qui les invitait. Ils ont refusé parce quils avaient autre chose à faire. Ce nétait pas des choses illégitimes, mais ce nétait pas non plus des choses si importantes ni si urgentes. Des choses de la vie quotidienne, comme nous en avons tous.
Les excuses que nous entendons sonnent donc comme un avertissement sévère de Jésus. Nous sommes, nous aussi, ce convive qui sémerveille devant la prodigalité de Dieu. Mais il ne suffit pas de sémerveiller sur le Royaume pour y entrer. Quelle priorité lui donnons-nous ? Est-ce que nous sommes comme cet homme qui organise bien son emploi du temps et qui a planifié linspection dun champ ? Le Seigneur lance son invitation quand le temps est venu, pas quand nous lavons programmé. Sommes-nous cet homme doué en affaire, qui doit soccuper de ses biens ? Le Seigneur invite ceux qui savent prendre le risque de tout perdre pour senrichir des vrais trésors. Somme-nous enfin cet homme qui vient de se marier et qui ne veut pas quon dérange son petit bonheur familial ? Le Seigneur doit-il rester en dehors de notre vie de famille, ou la périphérie, comme le sont certains amis ? Aucun de ces trois hommes nentre dans le royaume, ce sont des hommes du passé, des hommes sans avenir.
« Amène ici les pauvres ». Voici que nous entrons dans le temps du présent. Et nous retrouvons lenseignement que Jésus nous donnait hier, finalement, ce quil nous demande faire est ce que lui même fait en premier. Il invite au banquet ceux qui nont rien à donner en retour. Mais ce sont surtout ceux que rien ne retient dans le monde. Ceux qui ne sont pas encombrés par un emploi du temps à respecter, par des affaires à développer, par une famille à dorloter.
Mais une fois quils sont tous arrivés, il reste encore de la place « Va sur les routes ( ), insiste pour faire entrer les gens ». Bienheureuse insistance du Seigneur. Hier nous avons tourné le dos à son évangile, parce quil nétait pas dans nos intérêts, parce quil nous dérangeait, parce que nous pensions construire notre petit bonheur par nous-mêmes. Mais nous avons vu les pauvres nous ouvrir le chemin, ils nous ont montré lexemple. Quand on laisse le Seigneur diriger nos vies, elles prennent enfin de lampleur, elles valent enfin dêtre vécues. Aussi ses messagers insistent-ils : quimporte que vous soyez émerveillés par le Royaume comme ce convive qui interroge Jésus, il faut oser dépasser les limites rassurantes de vos quotidiens et vous aventurer jusquà la salle du banquet. Comme un pauvre. Comme ceux que rien ne retient car rien nest comparable au bonheur qui nous attend.
Seigneur Jésus, merci de nous inviter à ta table. Cest un bien grand honneur et une joie immense. Donne-nous de ne rien laisser retarder notre réponse à ton invitation, donne-nous de rester disponibles aux sollicitations de ton Esprit, car la vie nest belle que si tu en es la beauté.