Homélie
mercredi, 30ème semaine du temps Ordinaire.
Est-ce qu’il n’y aura que peu de gens à être sauvés ? Combien seront les 144 000 ? Voilà des questions qui nous ont tous occupé l’esprit. Elles ne sont d’ailleurs pas choquantes. Mais elles n’intéressent pas Jésus, lui qui ne veut pas qu’un seul d’entre les hommes soit perdu. D’ailleurs, si ce genre de question a sa pertinence, il a aussi ses dangers. Par exemple celui d’en rester trop facilement à un formalisme, à un attachement religieux de façade, voire superstitieux. On peut ne rechercher dans la compagnie de Jésus qu’une assurance pour l’au-delà, la vivre comme un compromis à supporter maintenant pour être à peu près bien placé demain.
Pris tels quels, ces dangers peuvent nous sembler un peu étrangers à notre condition, nous qui méditons la Parole de Dieu chaque jour, qui suivons les enseignements de Jésus depuis si longtemps et qui recherchons sa présence dans la prière quotidienne. C’est pourtant nous que Jésus interpelle : « efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Ne tiédissez pas ! « Beaucoup chercherons à entrer », mais échoueront. Notre position ne nous donne aucune assurance pour notre éternité. Au contraire : nous avons été prévenus.
Il faut donc faire nôtre cet appel à prendre au sérieux notre existence. Surtout que non seulement la porte est étroite, mais encore elle ne restera pas toujours ouverte ! Le paradoxe dérange, car Jésus s’est le vé d’entre les morts pour nous ouvrir la route vers la Maison du Père. Or voici que « le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte ». Exclusion ? Non, respect de nos choix. « Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal ». On ne peut pas connaître Jésus et continuer à faire le mal. Cela nous éloigne de lui, car vient un jour où le bon grain et l’ivraie sont séparés. Toutes les bonnes raisons que nous nous donnons (vivre avec son temps, ne pas être un contre-témoignage, ou même se déclarer « chrétien libéral »), ne parviendront jamais à occulter la réalité : nous nous sommes compromis avec le mal. Le plus souvent pour avoir voulu décider par nous même ce qui est bon pour nous, habile façon de déguiser le mal en bien. Si ce choix personnel n’est pas réévalué à la lumière de l’évangile, seul capable de manifester à nos cœurs obscurcis ce qui est bon aux yeux de Dieu, nous nous entendrons dire : « Je ne sais pas d’où vous êtes ».
L’évangile d’aujourd’hui s’accorde bien mal avec les discours posés et conciliants qu’il est de bon ton de tenir pour manifester une sagesse humaine emprunte d’évangile, il semble bien étranger aux vies que nous bâtissons, « aussi conformes que possible » à la volonté de Jésus. Il est pourtant notre repère en ce jour. De toute évidence, Jésus nous en demande plus. Parce que les valeurs de notre monde seront renversées, au jour du Jugement, le sens de la mesure sera à la mesure de l’amour qui aura motivé nos conversions.
Demandons à l’Esprit qui conduisit Jésus au désert, au Souffle qui renversa Paul sur la route de Damas, de savoir discerner les routes qui conduisent au Père et celles qui nous en détournent. Demandons à Jésus l’amour profond qui unit à lui et fait entrer dans son mystère, pour que nous ne soyons pas seulement ceux « qui ont mangé et bu en sa présence », mais ceux qui ont rompu le Pain de Vie et bu le Vin du Royaume jusqu’à en être transformés.