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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

32ème dimanche du temps Ordinaire.

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».

A première lecture cette sentence résonne comme une menace. Il y a un risque réel d’être exclu : il faut donc se raidir, être vigilant, ne pas s’endormir, car une seconde d’inattention pourrait nous être fatale. Et peut être même que l’époux tarde pour éprouver nos réserves d’huile. Angoisse.

Cependant cet avertissement ne doit être entendu qu’au terme de la parabole. Menons donc l’enquête pour savoir de quoi est exactement composé le drame de la séparation des dix vierges.

Tout d’abord les dix vierges forment un groupe uni. Chacune a une lampe, et chacune a conscience de l’arrivée de l’époux et s’en réjouit. Elles ont un but commun qui est la rencontre avec l’époux. Une distinction est faite d’emblée entre elles puisque Jésus nous dit que cinq sont prévoyantes et cinq sont insensées. Ce n’est pas un jugement mais le constat des différences à l’intérieur d’un groupe uni. On ne peut pas soupçonner de divisions intestines puisqu’elles partent attendre l’époux avec une belle unité. Quand à la réserve d’huile, il n’y pas lieu là non plus de s’interroger. Rien ne nous dit qu’il était nécessaire d’en avoir une. D’ailleurs l’époux ne fera pas ce reproche aux vierges imprévoyantes.

Remarquons aussi qu’il ne nous est pas donné beaucoup de détails pour imaginer la scène. Dans quel lieu se passent les événements ? On sait juste qu’il y a une porte, qui sépare l’intérieur de la salle des noces et l’extérieur. Et une voix anonyme qui crie dans la nuit pour annoncer l’arrivée de l’époux. La scène est tellement elliptique qu’on n’évoque même pas la présence de l’épouse.

Ce manque de renseignements nous mène à considérer plus attentivement le premier départ du groupe des vierges. D’où partent-t-elles, et vers où ? Et qui le leur a demandé ? Personne. C’est à leur propre initiative qu’elles s’élancent dans la nuit pour attendre l’heure de la rencontre. Faut-il argumenter que, lasses d’attendre, elles se sont élancées au devant de l’époux qui tarde ? Ce serait oublier que Jésus ne nous dit pas à quelle heure l’époux devait être attendu. S’il est en retard, ce donc pas sur un horaire annoncé, mais sur un horaire imaginé par les dix vierges.

La notion du temps est très importante dans ce récit. Les lampes en sont le témoin. Le temps marque leur épuisement. De plus, la fracture du groupe des vierges a lieu à mi-nuit. Cette heure a surgit subitement, d’une manière que ni les vierges sages ni les vierges insensées n’avaient prévue. Mais les vierges sages avaient prévu l’imprévu. Les vierges folles sont celles qui avaient oublié que l’heure d’arrivée de l’époux n’était qu’une hypothèse de leur part.

Cela nous montre que le temps dans cette parabole n’est pas un écoulement chronologique. Deux temporalités s’opposent. Nous sommes à un moment où on célèbre des noces, il est question de dix jeunes femmes, et d’un rencontre qui va bientôt se produire. Nous sommes donc dans le temps des origines, le temps du désir. Ce qui caractérise les vierges prévoyantes, c’est que rien ne les détourne de la fin fixée dès le début. En dépit du retard de l’époux, l’heure de la rencontre s’accomplit et dévoile le temps des origines pour ce qu’il est : un temps promis à la rencontre. Alors que les vierges insensées passent d’une temporalité à l’autre, de la temporalité des origines au temps des achats et des ventes, au temps de la vie sociale.

La preuve qu’elles n’ont pas compris l’enjeu de cette attente est que non seulement elles n’ont pas assez d’huile, mais elles imaginent que les vierges sages puissent en avoir trop. Cette huile étant l’huile du désir, il est impossible d’en avoir trop. En avoir trop serait le signe d’une attente toujours lointaine, toujours maintenue à distance, symbolique. Le signe d’un désir qui se nourrit lui-même et se dénature, n’étant plus en attente d’une satisfaction. Les vierges insensées n’ont pas compris le lien entre le désir de la rencontre et l’attente dans un délai mesuré et propre à toute vraie rencontre.

Puis vient l’heure de la rencontre. Une voix anonyme crie « voici l’époux ». Une séparation irréversible s’opère. Cette séparation n’est pas la naissance d’une rivalité. Les vierges imprévoyantes demandent et écoutent le conseil des vierges sages. Mais elles ne pourront accéder à la salle des noces où se fait la reconnaissance de l’époux. Elles resteront à la porte. Mais ce n’est pas du fait de l’époux. Ce n’est pas lui qui ferme la porte. Au contraire, il ne cesse pas de leur parler ni de les instruire. Leur dire qu’il ne les connaît pas n’est pas les condamner, mais leur signifier qu’il vit sous un autre régime que le leur.

Si la séparation est irréversible, il n’y a donc pas séparation entre les bons et les méchants. L’arrivée de l’époux consacre les places de chacune. Les sages dans la salle de noces, les insensées hors de la salle des noces.

Jésus le dit, il en va du Royaume comme de ces dix jeunes filles. La totalité n’aura pas part au royaume. Et on connaîtra le Royaume à la division qu’il opère. Mais, nous venons de le lire, cette division n’a rien de redoutable. Il ne s’agit pas de déchirer un groupe d’amies, mais de considérer l’intégrité de notre âme. Il y a en nous une division intime, qui fait que certaines de nos facultés, certaines de nos habitudes, ne peuvent pas entrer dans la salle des noces. Parce qu’elles sont insensées. Elles sont incapables de comprendre que l’époque que nous vivons est celle qui précède la venue de l’époux et qu’il faut nous y préparer. Elles vaquent aux occupations du monde, comme les vierges imprévoyantes vont chez les marchands. Ce n’est pas répréhensible, mais cela n’entrera pas dans le royaume.

Il nous faut donc veiller de tout notre cœur, de toute notre force de toute notre âme. Veillez à entretenir en nous le don de Dieu, la sagesse qui permet de lire les signes des temps, d’entendre la voix qui annonce la venue de l’époux. Il nous faut éduquer les vierges insensées à la grandeur du désir que l’Esprit Saint entretient en nous. Et celle que nous ne convertirons pas, nous savons qu’il nous faudra nous en séparer, elles n’ont pas de place dans le royaume.

Cet appel à la vigilance intérieure est donc un appel au don total de soi, un don que seul l’Esprit du Christ peut réaliser en nous en nous unissant au don que notre Seigneur fait maintenant de lui-même.


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