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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Saint Jean de la Croix, prêtre et docteur de l’Eglise,

« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Le Précurseur est-il pris d’un doute, lui qui pourtant avait vu « l’Esprit descendre sur Jésus et demeurer sur lui » (Jn 1,33) ? Ou bien veut-il que ses disciples, déconcertés par le comportement de celui que leur Maître leur désigne comme le Messie, se rendent compte par eux-mêmes de son identité, en allant le rencontrer personnellement ? Il est vrai que Jésus
ne correspond en rien à l’image qu’ils s’étaient faite de lui : où est-il donc ce « plus puissant » (que Jean) qui « baptiserait dans l’Esprit Saint et le feu » ; qui exercerait le jugement et séparerait le grain de la paille, amassant la récolte dans son grenier et brûlant la balle au « feu qui ne s’éteint pas » (Lc 3,16-17) ? Voilà tout au contraire que celui dont leur Maître ne se juge « pas digne de défaire la courroie de ses sandales » (Ibid.), s’intéresse aux malheureux, prend du temps avec les malades, s’adresse à la foule des petites gens qu’il déclare bienheureux. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que peut-il bien attendre de ces marginaux, ces hors-la-loi de Dieu et souvent des hommes ? Sans compter qu’en mangeant avec les publicains et les pécheurs, il se met à dos les chefs religieux qui auraient dû être des alliés dans la grande réforme qu’il est supposé instaurer. Pourquoi reste-t-il ainsi dans la pénombre avec les pauvres, errant de village en village, dormant à la belle étoile et se nourrissant de ce qu’on lui offre ? Pourquoi favorise-t-il de miracles et de prodiges des personnes sans aucun « poids » religieux ou politique ? Ne serait-il lui aussi qu’un précurseur ? « Est-il celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Avant de nous scandaliser de l’attitude des disciples du Baptiste, demandons-nous si cette question lancinante ne nous a pas traversée nous-mêmes, tant il est vrai que le Dieu que nous révèle Jésus-Christ ne correspond pas - ou si peu - à la représentation que nous nous étions faite du Tout-Puissant ! Qu’il est difficile de laisser Dieu se présenter à nous tel qu’il est, sans lui imposer nos précompréhensions idolâtriques. Il est frappant de constater que quand le Nouvel Age annonce le « retour du Christ », il prophétise sa venue non pas dans la discrétion de la vie cachée, l’humilité de la vie publique, ou l’humiliation de la Passion, mais dans la gloire d’un homme brillant selon les critères du monde, qui réussit sur le plan économique, social et politique.
Pourtant les douloureuses leçons de nos histoires personnelles et collectives auraient dû nous enseigner la vanité et le danger du paraître, de l’avoir et du pouvoir. Que de vies brisées, que de sang répandu, que de larmes versées, sur l’autel de ces idoles derrière lesquelles se profile le visage hideux du diviseur, du père du mensonge, qui est homicide depuis les origines (cf. Jn 8,44).
« Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » Voilà une béatitude qui vient bien à propos de nos jours, où il faut une certaine dose de courage pour oser s’affirmer chrétien. Depuis que le Da Vinci Code a romancé l’opinion publique sur le christianisme, nous savons au moins à quoi nous en tenir. Heureux ceux qui ne cherchent pas à se justifier devant les hommes, mais qui se tournent vers Dieu : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple : son salut est proche de ceux qui le craignent » (Ps 84). Dieu ne se manifeste pas dans les joutes oratoires : ils feraient fuir les petits qui n’y comprendraient rien. Il ne prouve pas sa force en multipliant les prodiges qui obligeraient de croire en lui : c’est l’amour qu’il désire et non les sacrifices. Il n’accuse pas ses adversaires, car ils sont aussi ses enfants, et pour eux comme pour nous, il a versé son sang. Il n’humilie pas ceux qui le calomnient en étalant au grand jour leurs mensonges, car il est venu pour un jugement de miséricorde qui justifie le pécheur : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice » (Ps 84).
On imagine sans peine la joie simple qui devait rayonner du visage de Jésus lorsqu’il annonce aux disciples du Baptiste : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu ! » Notre-Seigneur exulte parce que la Bonne Nouvelle de la réconciliation de l’homme avec Dieu est annoncée aux pauvres et accréditée par les signes qui l’accompagnent et témoignent de l’irruption du Royaume.
Tel est notre Dieu, et il n’en est pas d’autre. Par cinq fois dans la première lecture, le Tout-Puissant s’engage dans ce témoignage qu’il martèle comme pour vaincre notre surdité et nos résistances : « Je suis le Seigneur et il n’y en a pas d’autre. Il n’y a pas d’autre Dieu que moi ; un Dieu juste et sauveur, il n’y en a pas en dehors de moi. Tournez-vous vers moi pour être sauvés, habitants de la terre entière. Car c’est moi qui suis Dieu, il n’y en a pas d’autre. Je le jure par moi-même : de ma bouche sortira le salut ». Nous le croyons : cette prophétie s’est réalisée pour nous en Jésus-Christ : « Devant lui toute créature tombera à genoux, par lui jurera toute langue en disant : “Au Seigneur seul la justice et la force !” »

« Seigneur, viens vaincre nos surdités, pour que nous puissions entendre ta Parole et y discerner ton visage. Purifie-nous de nos représentations idolâtriques de toi et de nos asservissements aux séductions du Prince de ce monde. Oui, “que les cieux distillent la rosée de ton Esprit, que les nuages répandent ta miséricorde qui nous justifie, que notre terre s’entrouvre pour faire éclater tous ses bourgeons”. Alors nous porterons le fruit de charité que tu attends de nous, et nous trouverons avec toi notre joie en “annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres” de la manière dont tu nous l’inspireras ».


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