samedi, 3ème semaine de l’Avent.,

Au lecteur moderne, les généalogies comme celle du début de l’évangile de Matthieu peuvent paraître fastidieuses à lire et de peu d’intérêt. En revanche, pour les orientaux du premier siècle de notre ère, il n’en était pas ainsi. En effet, ils voyaient en elles l’insertion de tel ou tel dans un tissu historique et social si bien que, d’une certaine manière, elles pouvaient être considérées comme tenant lieu d’état civil.

C’est bien dans cet esprit que nous devons accueillir la longue généalogie de Matthieu débouchant sur la naissance de Jésus. A travers cette longue liste d’engendrements (le verbe ‘engendrer’ revient trente-neuf fois), Matthieu fait dérouler devant nos yeux toute l’histoire du peuple d’Israël, l’histoire de ces hommes et de ces femmes, l’histoire de ces rois, histoire remplie de piété et d’adoration mais aussi d’idolâtrie, de vengeance, d’inconduite et d’infidélité.
Au terme de cette communauté de vie et de destin, aussi imparfaite soit-elle, Jésus vient s’inscrire pour l’assumer et la porter à son accomplissement définitif. C’est de cette humanité blessée par le péché que le Fils de Dieu, en naissant de la Vierge Marie, va se rendre solidaire pour la libérer du joug qui la tient prisonnière et loin de Dieu : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1,16).

D’une certaine manière, Matthieu devait faire cela car ses contemporains juifs avaient une idée déjà toute faite d’un Messie glorieux. Bien peu se rappelaient de la prophétie d’Isaïe qui annonce un Messie souffrant, sans beauté, sans éclat pour attirer le regard et sans aucune apparence susceptible de nous séduire, objet de mépris et rebus de l’humanité (Cf. Is 53, 2-3).

Cette généalogie nous dit quelque chose de merveilleux : Dieu se lie à l’histoire des hommes ; non à celle des empereurs et des héros mais à celle, mineure et fragile, d’un petit peuple du Moyen Orient.
Dieu remplit de son salut notre histoire, aussi petite et inconsidérée soit-elle, notre quotidienneté, aussi ordinaire soit-elle. Nous touchons ici le cœur du mystère de la Nativité : Dieu en son Fils se fait proche et solidaire de tout homme pécheur pour le sauver et vient récapituler en lui toute histoire marquée par le péché pour lui donner un sens nouveau.

« Seigneur, à une semaine de Noël, nous voulons t’offrir nos histoires tels qu’elles sont, lumineuses par certains côtés, obscures par d’autres. Nous te les présentons avec tout leur poids de péché, avec toutes leurs ambiguïtés en particulier dans notre relation à toi.
Aujourd’hui, Seigneur, tu nous dis que tu n’as pas peur de t’insérer dans de telles histoires. C’est pourquoi, à notre tour, comme le peuple d’Israël, il y a maintenant un peu plus de deux milles ans, nous te demandons la grâce de pouvoir découvrir en ces jours comment toi, le Fils de Dieu, tu veux naître aux cœurs de nos existences humaines pour récapituler et sauver ce que nous vivons jour après jour. »