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 - 26 avril 2024 - Bse Alida
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Homélie

La Sainte Famille,

Le récit qui nous a été donné d’entendre bouscule la suite logique de l’Evangile, puisque nous présupposons connue la visite des mages, que nous n’entendrons que la semaine prochaine. En fait, le choix des textes se justifie par la fête de ce jour : fête de la Sainte Famille, que la liturgie illustre par cette péricope de la fuite en Egypte.
Nous avons progressivement appris à connaître ce jeune couple bien sympathique à travers une série de récits répartis entre les Evangiles de Luc et de Matthieu : l’annonce faite à Marie ; celle dont bénéficia Joseph, son fiancé, après un long et douloureux débat intérieur ; le récit de la naissance de leur petit, dans une étable, hors de la ville, faute de place à l’hôtellerie ; la joie dans le ciel et la visite des bergers. Aujourd’hui le ton change : ce n’est plus à leur joie, mais à leur angoisse que nous sommes invités à communier ; angoisse bien légitime, puisqu’on veut attenter à la vie du nouveau-né. Ce qui donne à cette péricope une actualité étonnante : si du temps de la Sainte Famille l’assassinat de ces enfants fut un drame ponctuel, œuvre d’un fou sanguinaire, de nos jours l’élimination des nouveaux-nés est hélas devenue une pratique permanente, banalisée, légalisée et admise par le plus grand nombre.
Ce qui frappe dans le récit de Saint Matthieu, c’est la paix avec laquelle l’événement est accueilli ; non pas la sérénité de l’indifférence, mais la paix de la confiance en celui qui vieille sur ses enfants ; aucune fébrilité ne transpire de ces quelques lignes ; curieusement même, aucun membre de cette famille ne prend la parole. Le seul qui agisse est Joseph. Et à vrai dire, il n’agit qu’en réponse aux sollicitations d’un Ange, c’est-à-dire d’un Envoyé de Dieu. Au fond, c’est Dieu qui agit le plus dans cet épisode ; c’est en tout cas lui qui a l’initiative, autant pour le départ que pour le retour.
Pourtant le Seigneur ne peut rien sans la coopération de celui qui incarne l’autorité divine au sein de ce foyer : à savoir le père, Joseph. Dieu agit par l’intermédiaire de Joseph, silencieux en parole, mais éloquent par sa foi et son obéissance. Et cet agir conjoint des deux “pères” est tout entier orienté vers l’Enfant qui confirme déjà la prophétie de Siméon : il sera un signe de contradiction.
Marie est très discrète : elle n’est même pas nommée par son nom, mais seulement citée en tant que la mère du nouveau-né, c’est-à-dire en lien avec Jésus, qui est au centre de la cène, impuissant, totalement dépendant de ceux qui l’entourent, et objet de la sollicitude du Très-Haut.
Nous voyons ainsi peu à peu se dégager sur l’horizon de cette péricope, la structure interne, ou plutôt le dynamisme qui préside aux relations au sein de la Sainte Famille ; et peut-être est-ce cela que l’Eglise veut nous faire méditer en ce jour.
Joseph, qui est le personnage le mieux mis en valeur, même s’il n’est pas le centre comme nous venons de le dire, Joseph est le père, celui à qui les autres membres de la famille obéissent ; celui qui porte la responsabilité de sa famille. Le « responsable » est celui qui doit pouvoir répondre ; ce qui signifie qu’il doit d’abord savoir écouter, comme Joseph nous en donne l’exemple. La qualité première de Joseph - et dès lors de tout père - c’est qu’il sait écouter dans la nuit, pour y entendre la voix de Dieu. « Je dors mes mon cœur veille » : le père est celui qui demeure vigilant, à l’écoute de Celui au nom de qui il exerce son ministère de paternité. Certes la parole est au cœur du ministère du père, mais Joseph nous apprend qu’il ne s’agit toujours que d’une parole qui vient d’au-delà de lui, qu’il transmet fidèlement ou qu’il exécute docilement, comme c’est le cas dans notre péricope. Pas d’hésitation, pas de délai entre l’ordre du ciel et la mise en œuvre : en pleine nuit, Joseph celle son âne, fait monter Marie portant Jésus endormi dans ses bras, et se met en route pour une destinée quasi-inconnue ; comme le fit Abraham, lui-aussi, dans la pure obéissance de la foi. A l’école de Saint Joseph, le père apparaît avant tout un serviteur ; le service de l’autorité qu’il exerce est entièrement et exclusivement finalisé sur le bien de ceux qui lui sont confiés. Seul ce détachement des fruits de son ministère lui donne accès au discernement juste, ainsi que la liberté d’une réponse prompte et efficace. Pas de contestation non plus du côté de Marie : elle sait que Joseph est un homme « juste », c’est-à-dire ajusté à Dieu. Quant à l’enfant, tout Fils de Dieu qu’il soit, il est lui-aussi dans une parfaite soumission aux décisions de son père et abandonné à la sollicitude de sa mère.
Si la Sainte Famille constitue le modèle de toute vie familiale, il apparaît d’amblée que celle-ci n’est pas de tout repos : que d’imprévus à chaque pas ! Les exégètes nous apprennent que depuis la géographie évoquée par Matthieu dans ce passage, jusqu’aux termes utilisés, tout nous renvoie vers la vie de Moïse et vers l’exode, que Jésus accomplit en sa personne, lui le nouveau Moïse qui fera sortir son peuple de la terre d’esclavage du péché. Mais les noms de lieux balisent aussi l’exode ou “l’itinéraire pascal” de la sainte Famille, obligée de fuir, de partir, de se désinstaller ; puis de revenir après un séjour au désert, toujours sur l’appel d’un Autre qui s’est engagé à leur côté. Tout cela suggère que la famille, tout en étant le lieu de la stabilité, de la continuité, de la tradition gardée, de la fidélité aux racines, est aussi le lieu des « passages », du surgissement de la vie nouvelle au-delà des ruptures consenties, en un mot : le lieu de la Pâque ? Et peut-il en être autrement si le mariage est une consécration particulière à Dieu, c’est-à-dire un chemin de sainteté ? Une première leçon de l’évangile de ce jour est incontestablement de nous inviter à vérifier notre conception de la famille dans la perspective chrétienne : une Eglise domestique, gravissant ensemble la montagne de Dieu, dans la stabilité de l’amour fidèle, en s’appuyant jour après jour sur le Seigneur présent au milieu d’elle. La force de la Sainte Famille, c’est sa pauvreté devant un dessein qui la dépasse. Mais tel est en vérité le cas de chacun de nos itinéraires ; la différence réside seulement dans le fait que nous pouvons avoir davantage que Marie et Joseph, l’illusion d’être capables de maîtriser les choses et de conduire nous-mêmes notre barque.

« Seigneur, envoie en ce jour son Esprit sur toutes les familles chrétiennes, afin qu’elles soient renouvelées dans la force de leur sacrement, et découvrent à la lumière de Nazareth, “ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable” (Paul VI) ».


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