jeudi, 1ère semaine du temps Ordinaire.

La guérison de ce lépreux nous fait entrer dans la découverte d’un nouvel aspect de la mission de Jésus. Nous avons vu, au début de cette semaine, un homme possédé d’un esprit mauvais être délivré dans la synagogue. Cet homme était totalement passif, voire absent. Puis, hier, la belle-mère de Pierre a bénéficié d’une guérison. Elle était moins effacée que l’homme de la synagogue, mais ce sont les autres qui sont allés chercher Jésus pour l’amener à elle.

Voici que ce matin un homme vient trouver Jésus de lui-même. Un lépreux, c’est-à-dire un homme isolé, exclu de la société. Il ne peut compter que sur lui et sur son audace. Bravant l’interdit de communication, il s’approche donc du Seigneur et le supplie humblement ! « Si tu le veux, tu peux me purifier ! ». L’homme attend tout du Seigneur, il sait que sa Parole est toute puissante, il s’en remet entièrement à elle.

L’attitude de Jésus semble cependant contradictoire. Il est d’abord ému, il se laisse toucher par la prière du malheureux, puis il le rudoie et le renvoie fermement (le verbe pour dire « il le renvoie » est, en grec, le même que celui qui décrit Jésus chassant les esprits mauvais !). Mais cette contradiction que nous lisons sur le visage de Jésus, n’est-elle pas dans le cœur du lépreux ? Il demande en effet une parole de salut à Jésus… mais il ne l’écoute guère en retour ! Quand celui-ci lui défend formellement de crier sur les toits la guérison miraculeuse dont il vient d’être le bénéficiaire, l’homme fait exactement le contraire. A-t-il réellement rencontré Jésus ? La lèpre dont il souffre n’est- elle pas aussi au fond de son cœur ? Dans ce cas, il heureux pour nous de voir que Jésus se laisse toucher, qu’il apporte le salut à qui le réclame, même si les dispositions intérieures de celui qui le sollicite ne sont pas tout tournées vers lui.

Pourquoi Jésus veut-il passer sous silence cet événement heureux ? En premier lieu, pour se prémunir des fausses interprétations sur l’identité du Messie. Il faut éviter que les gens ne voient en Jésus seulement celui qui règle tous les problèmes instantanément, alors qu’il est avant tout celui qui invite à une alliance nouvelle.

Il y a peut être une raison plus profonde, liée à la maladie que Jésus vient de guérir. Le lépreux est un homme totalement exclu, qui doit vivre à part, et particulièrement, qui n’a pas sa place dans l’institution religieuse. Le changement subit consécutif à la guérison pourrait conduire cet homme, malgré lui, à prendre une sorte de revanche. L’exclu devenant l’exception. L’homme qui a été guéri devenant l’homme qui rencontré le Messie, l’homme qui peut donner son-témoignage-à-lui de son-expérience-particulière-à-lui. Celui qui a été à côté de la société pourrait se placer spontanément au dessus. Celui qui n’a été regardé par personne pourrait prendre le miracle pour occulter Jésus et se glorifier du don reçu.

On comprend mieux la colère de Jésus. Lui a été à l’écoute mais il n’a pas été écouté. Il a tenté de réinsérer le lépreux dans son peuple, d’en faire un vivant parmi les vivants, mais l’homme s’est approprié le don pour s’improviser prédicateur et attirer les regards. Cependant il ne prêche pas : il se contente de « répandre le nouvelle », il n’annonce pas le Royaume. Si bien que Jésus lui-même est empêché de parler, les foules qui viennent à lui ne demandent pas son enseignement mais qu’il exerce un pouvoir de thaumaturge.

Que l’Esprit qui porte l’évangile au bout du monde nous modèle un cœur d’apôtre fidèle. Que jamais nous n’ayons, par notre vie ou notre parole, à donner un témoignage de Jésus qui ne serait pas né dans une relation profonde d’écoute et d’accueil de la volonté du Seigneur Jésus. N’hésitons pas à nous approcher humblement de lui pour demander la guérison de la lèpre de nos cœurs, celle qui rend notre volonté propre envahissante et première, celle qui bouche nos oreilles aux merveilles de l’amour de Dieu et aux indications que Jésus veut nous donner pour nous ramener vers le Père.