Sainte Scholastique, vierge,

Jésus voyage encore en terre païenne, qu’il parcourt en tous sens, et y poursuit son ministère. Nous entendons aujourd’hui le récit d’une guérison bien étrange.

Un homme, en effet, est amené à Jésus, ce qui est une situation fréquente. Il est sourd et muet, plus exactement, il est malentendant et mal-parlant. Sans doute bègue. L’important pour le récit, est qu’il ne parle pas correctement parce qu’il entend mal ou peu.

Ses proches qui l’amènent à Jésus demandent au rabbi de lui imposer les mains pour obtenir sa guérison. Jésus n’en fait rien. Il l’emmène à l’écart de la foule pour un tête-à-tête loin des regards indiscrets. Évidemment, la présence des témoins n’est pas nécessaire à la réalisation du miracle, mais divers signes montrent qu’il y a plus dans cet isolement temporaire. Cette guérison a un caractère particulier.

En effet, il n’est pas non plus nécessaire que Jésus touche les organes malades pour guérir ; sa parole suffit. Or il les touche, il prend de sa salive et il soupire fortement, comme on le ferait devant un travail difficile. Certes, par ces gestes Jésus apparaît comme médecin, en ce sens qu’il travaille comme tous les médecins de l’époque. Mais il est un médecin particulier : il lève les yeux au Ciel, montrant que sa médecine n’est pas humaine. Et il parle en araméen, ce qui est plus qu’une preuve d’authenticité historique de l’épisode. Voilà en effet réunis des éléments qui nous disent combien Jésus est impliqué personnellement dans cette guérison. Il s’investit tout entier dans un acte qui le mobilise, dans une relation où il se dit en profondeur, sans barrières, utilisant spontanément sa langue maternelle. L’opération implique sa relation à Dieu et l’engage envers les hommes dans ce qu’il a de plus intime.

Alors, la langue de l’homme fut « déliée », libérée. La manière d’opérer de Jésus nous enseigne donc que la maladie concerne les relations les plus profondes de l’homme, sa relation à Dieu et à ses frères, son accès au salut. Entendant bien, il peut maintenant parler « droitement ».

Sans doute pouvons-nous lire dans cette guérison le cœur de ce que Jésus vient nous apporter : l’appel à la vie, le « ouvre-toi » qui donne d’entendre le Seigneur et d’entrer en relation avec lui comme il convient, dans l’amour. Jésus s’implique tout entier car le salut qu’il apporte consiste en cela : nous réconcilier avec le Père et avec nous-mêmes, rétablir les relations rompues et redonner la capacité de les vivre.

Les amis du malade n’ont pas perçu cela. Certes, ils ont vu la grandeur de Jésus et se mettent à prêcher. Ce faisant, ils font une belle déclaration de foi, tissée avec les mots du prophète Isaïe. Mais ils sont passés à côté de l’essentiel. Ils prétendent que « les sourds entendent et les muets parlent » comme si Jésus avait traité distinctement deux catégories de malades. Il a fait bien plus : il a guérit la surdité qui empêche de parler correctement. Assurément, ces hommes qui ont amené leur ami à Jésus auraient dû s’avancer à leur tour vers Jésus, lui demander de prononcer sur eux aussi le « ephphata » qui restaure dans l’intimité de Dieu et dans la relation fraternelle.

Prenons cette mécompréhension à notre compte, et ne la sous-estimons pas : il en existe une forme plus radicale encore. Les disciples en effet sont absents de cet épisode. Pourtant la lecture suivie de l’évangile nous apprend qu’ils étaient avec Jésus. Or aujourd’hui, ils sont transparents. Il y a donc ceux qui ne comprennent pas la profondeur du signe adressé par Jésus et ceux qui y restent étrangers.

Seigneur, touche nos cœurs fermés et malades et commande-leur de vivre de ta vie. Ne permets pas que nos journées s’écoulent dans l’indifférence et la méconnaissance des signes de ta présence. Ouvre-nous, Seigneur, aux merveilles de ton amour, et nous serons sauvés.