Sept saints Fondateurs de l’Ordre des Servites,

Au delà du cercle des disciples, Jésus appelle à lui la foule et à travers elle tout homme. Ses paroles se révèlent elles-mêmes comme un appel, un appel à la décision : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive ». Avouons que ces conditions pour marcher à la suite du Christ n’apparaissent pas spontanément comme des plus réjouissantes. Pourtant, peut-on suivre le Maître sur un autre chemin que celui sur lequel il s’est engagé ?

Et Jésus continue : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera ». Pour trouver la vie, il n’y a donc pas d’autre moyen que de mourir avec lui. Pour accéder à la résurrection, il s’agit de passer avec lui à travers la mort : « Perdre sa vie pour la sauver ». Il n’y a pas d’autre chemin. Mais il ne s’agit de mourir pour mourir. Jésus ne nous invite pas à un dolorisme mortifère. Il s’agit de perdre sa vie à cause de Jésus autrement dit il s’agit de risquer sa vie sur la personne même de Jésus-Christ non pas dans un volontarisme orgueilleux ou dans un acte de désespoir fataliste mais dans une humilité profonde qui consent à recevoir sa vie d’un Autre. Voilà ce que signifie « renoncer à soi-même » : non pas récuser ce que Dieu nous donne d’être mais accepter de le recevoir chaque jour comme un don de sa part. Aller jusqu’à se déposséder de ce qui nous est le plus cher, de la seule chose qui nous reste lorsque l’on ne possède matériellement plus rien : la vie pour accepter de la recevoir de Dieu. Alors seulement cette vie humaine prendra les couleurs de la vie éternelle, d’une vie dont la valeur dépasse la seule existence temporelle, d’une vie qui n’a pas de prix parce qu’elle est don de Dieu.

Ce chemin de dépossession a été celui de Jésus : « Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est anéanti prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé lui-même jusqu’à mourir et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : ‘’Jésus Christ est le Seigneur ‘, pour la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,6-11). Nous voyons alors que s’engager à la suite de Jésus ouvre à la vie et rend gloire au Père. Ce chemin de dépossession de nous-mêmes est le chemin de tout disciple. Voilà notre croix, nous qui désirons suivre Jésus. Voilà la croix que Jésus nous invite à saisir aujourd’hui. Voilà la croix à laquelle il nous propose d’adhérer pour l’y rencontrer et nous unir à lui, dans l’assurance de ne pas goûter les affres de la mort mais de partager avec lui sa vie. Telle est bien la Bonne Nouvelle de l’Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ : « Qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera ».

Chacun de nos actes a donc dès maintenant une portée pour le Royaume. Jésus nous le rappelle encore par ces paroles : « Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les anges ».

« Père, dans la force de l’Esprit Saint, donne-nous la grâce de consentir à ton dessein de salut tel qu’il se manifeste dans la vie de Jésus, ton Fils bien-aimé. Donne-nous la grâce de ne pas réduire ton salut à nos vues humaines et de rendre vaine la croix de ton Fils. Donne-nous la grâce de nous laisser chambouler par toi, toi qui es infiniment autre que ce que « la chair et le sang » peuvent s’imaginer. »