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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

8ème dimanche du temps Ordinaire.

Parmi les multiples lectures que nous pouvons faire de la liturgie de ce jour, nous choisirons celle qui nous invite à méditer sur l’originalité du christianisme parmi les diverses traditions religieuses. Toutes les religions que les hommes ont conçues depuis le début de l’humanité, tentent à leur manière de jeter un pont entre ce monde-ci et « l’autre côté du voile », le Transcendant, le Numineux, le Mystère divin. Parmi ces multiples propositions, la Révélation chrétienne tranche en osant prétendre que ce n’est pas l’homme qui s’approche de Dieu, mais Dieu qui descend vers nous, qui franchit l’abîme qui nous sépare de lui, et nous ouvre lui-même le chemin qui conduit jusqu’à lui.
L’initiative déconcertante de Dieu est marquée avec force dans la première lecture, où le cœur débordant d’amour, le Seigneur trahit son projet de salut : « Je vais la séduire, je vais l’entraîner, je lui parlerai (…) je t’apporterai la justice, le droit, l’amour, la tendresse et la fidélité ». La part de « l’épouse infidèle » consiste à se laisser séduire et combler par son Epoux divin. Quelle audace ! Tout dans notre foi est fondé sur cette certitude absolue de l’amour premier de Dieu pour nous, amour qu’il nous a révélé une fois pour toutes en son Fils, Jésus-Christ Notre-Seigneur. Pour les pécheurs que nous sommes, cet amour a pris la forme de la miséricorde : un amour qui ne se laisse pas vaincre par les trahisons répétées de l’épouse infidèle, mais dont la flamme se nourrit tout au contraire du bois mort de son péché.
« Bénis le Seigneur, ô mon âme, car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la fosse et te couronne d’amour et de tendresse » (Ps 102). On comprend dès lors que le temps n’est plus au jeûne lorsque l’Epoux se présente pour introduire dans la chambre nuptiale sa Bien-aimée, après l’avoir purifiée « par le bain du baptême et la Parole de vie » (Ep 5,26). Ce ne sont pas nos œuvres ascétiques qui nous rendent « participants de la vie divine » (2 P 1,4), mais le don gratuit de Dieu en son Fils Jésus-Christ. Et comme toute vie se manifeste dans un agir qui lui est propre, la vie nouvelle reçue du Père devrait logiquement susciter en nous un profond changement de comportement, qui témoigne que nous sommes entrés dans la nouveauté de l’Esprit. Voilà pourquoi dans la seconde lecture, Saint Paul peut se référer à la transformation de la communauté de Corinthe pour attester l’authenticité de son ministère. Ces hommes et ses femmes qui vivaient selon le monde, vivent désormais, après s’être convertis au Christ des Evangiles, sous l’autorité de « l’Esprit du Dieu vivant », qui a inscrit sa loi d’amour « non pas sur des tables de pierre, mais dans des cœurs de chair ». Ils sont devenus des « outres neuves » contenant le vin nouveau de l’Esprit ; ils se sont revêtus du vêtement nouveau de la grâce divine qui leur permet d’entrer dans la salle des noces de l’Agneau.
Une lecture plus attentive des deux images auxquelles nous venons de faire allusion, nous réserve cependant une surprise. Certes elles nous enseignent avant tout la nouveauté radicale de l’Evangile par rapport au Judaïsme qui, à sa lumière, apparaît « ancien » - cette considération pourrait bien sûr s’étendre à toutes les autres traditions religieuses. Spontanément nous nous attendions dès lors à ce que Jésus condamne la religiosité d’Israël, qui s’est figée dans des rituels sans âme, et n’a pas su reconnaître le temps de la visite de son Seigneur. Or Notre-Seigneur porte tout au contraire un réel souci de l’« ancien », puisqu’il veut à tout prix éviter que « la pièce neuve », en tirant sur le vieux tissu, ne « le déchire davantage ». En annonçant en priorité la Bonne Nouvelle au peuple de la première Alliance, Jésus n’a nullement l’intention de supprimer une fois pour toutes la foi d’Israël, qui est pourtant définitivement dépassée. La seconde image, concernant le vin nouveau et les outres anciennes, confirme cette délicatesse : l’éclatement des outres suite à la fermentation du vin nouveau, ne signifierait pas seulement la perte du bon vin, mais aussi la destruction de la vieille outre. Or la dégradation des vieilles outres ou du vieux vêtement serait une perte navrante que l’on ne doit ni souhaiter, ni rechercher. Notre-Seigneur confirme cette interprétation lorsqu’il dit : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Mt 5,17) ?
Certes « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (1 Ti 2, 4) qui est en Jésus-Christ son Fils Notre-Seigneur ; mais le Père respecte trop ses enfants pour mépriser les efforts qu’ils déploient pour le trouver - même si ceux-ci sont encore empreints d’obscurité voire d’erreurs. Jésus invite incontestablement ses disciples à sortir du judaïsme, afin de ne pas édulcorer la nouveauté radicale de l’Evangile ; mais cette prise de distance n’est en rien du mépris : il s’agit plutôt d’éviter de provoquer un affrontement dont la violence conduirait à la perte et de l’ancien et du nouveau. A l’heure où les religiosités se multiplient et où les communautarismes se durcissent, il est bon de réentendre les directives de Jésus : ni syncrétisme, ni guerre des religions, mais une annonce fidèle de l’Evangile de la charité, accréditée par la transformation concrète de nos vies, comme il sied aux « ministres de l’Alliance nouvelle, qui n’est pas celle de la lettre de la Loi, mais celle de l’Esprit du Dieu vivant » (2nd lect.).
« Un temps viendra où l’Epoux leur sera enlevé : ce jour-là ils jeûneront ». Jésus fait clairement allusion au temps qui se déploie entre sa mort et sa résurrection. Il serait dès lors facile d’argumenter que le jeûne ne nous concerne plus, puisque le Christ ressuscité demeure réellement présent au milieu de nous dans sa Parole, son Eucharistie, et son Corps ecclésial. Mais ne gardons-nous pas l’espérance de la conversion de tous les peuples, races, cultures et nations ? C’est par solidarité avec les hommes et les femmes qui ne connaissent pas encore le vrai Dieu révélé par Jésus-Christ, que les chrétiens poursuivent le jeûne, jusqu’à ce que le dernier invité soit entré dans la salle de noce, et que puisse enfin couler en abondance le vin nouveau de l’Esprit.

« “Seigneur de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour” (Ps 102), nous voulons faire silence, afin d’entendre dans le recueillement de nos cœurs, ta voix qui nous murmure : “Tu seras ma fiancée, et ce sera pour toujours. Tu seras ma fiancée, et je t’apporterai la justice et le droit, l’amour et la tendresse ; tu seras ma fiancée, et je t’apporterai la fidélité, et tu me connaîtras” (1ère lect.). Forts de cette promesse, nous pourrons alors être au cœur du monde, “les ministres de l’alliance nouvelle” ; non pas d’une alliance formelle, mais l’alliance de “l’Esprit qui donne la vie” (2ème lect.) ».


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