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 - 21 avril 2024 - Saint Anselme de Cantorbéry
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Homélie

mercredi Saint.

« La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire » : ce verset qui parle du Messie, a une portée universelle et décrit l’attitude propre au disciple. Seule la Parole de Jésus peut nous arracher à l’absurdité d’un monde qui a perdu sa boussole, pour nous réorienter vers notre finalité en Dieu. Où trouverions-nous le courage de persévérer lorsque « nous n’en pouvons plus », si ce n’est dans le message d’espérance qu’il nous offre jour après jour ? Qu’avons-nous d’autre à transmettre à notre tour « pour réconforter celui qui n’en peut plus », si ce n’est cette Parole de vérité et de vie, qui ouvre un chemin à travers la mort du péché et l’aveuglement d’une vie sans Dieu ? Encore faut-il que nous acceptions de nous laisser « ouvrir l’oreille », que nous « écoutions comme celui qui se laisse instruire ». Sans quoi, comment ne nous « révolterions-nous » pas contre une existence aussi absurde ? Comment ne nous « déroberions-nous » pas à notre semblable si l’horizon commun à tous est la descente sans espoir dans la fosse ?
Nous venons sans doute de cerner le drame qui a conduit Judas à sa perte. Certes, comme tous les autres disciples, il avait ses idées sur ce que Jésus allait faire - ou plutôt sur ce qu’il devrait faire ; mais là où les apôtres ont humblement soumis leurs vues personnelles à l’initiative déconcertante de leur Maître, Judas a préféré sa logique à lui, et a même voulu l’imposer. Nous n’avons aucune certitude sur son conflit intérieur, mais il est probable que ce compagnon de la première heure, ait été déçu de la tournure prise par les événements. Sans doute avait-il suivi le Maître dans l’espoir de participer à sa gloire toute terrestre, lorsqu’il serait intronisé Roi après avoir chassé l’occupant romain. Les évangiles nous laissent d’ailleurs transparaître à plusieurs reprises qu’il n’était pas le seul parmi les apôtres à nourrir de telles ambitions. Ses contacts avec le milieu des scribes et des pharisiens dont il était probablement issu, lui ont-ils permis de deviner le complot qui se tramait contre Jésus ? Etait-il dès lors saisi d’angoisse à la pensée des représailles qui ne manqueraient pas d’atteindre les disciples après l’élimination du Maître ? On peut supposer qu’il ne voyait plus d’autre solution pour échapper à l’issue fatale, que de changer de camp avant qu’il ne fût trop tard.
En tout cas son revirement et son aveu devant les autorités juives après sa trahison, prouvent qu’il n’avait-il pas mesuré la portée de son geste. Peut-être était-il assez candide pour penser que les chefs religieux se seraient contentées de faire donner à Jésus les 39 coups de bâton prévus par la loi avant de le relâcher - il n’est d’ailleurs pas impossible que les responsables du Sanhédrin le lui aient promis pour le convaincre. Les Evangiles n’en disent rien ; mais il ne semble pas que Judas ait cherché à faire mourir Jésus, ni même qu’il ait prévu cette éventualité, puisque c’est la condamnation de son Maître qui le conduira au désespoir.
On est cependant en droit de se poser la question : les ennemis du Seigneur avaient-ils vraiment besoin d’un dénonciateur pour mettre la main sur Jésus ? Les évangiles ne nous relatent-ils pas que Notre-Seigneur échappe à plusieurs reprises aux tentatives d’arrestation « parce que son Heure n’était pas venue » ? Judas certes a péché en trahissant son Maître, mais il n’est la cause véritable ni de son arrestation ni de sa mort. Jésus lui-même l’affirme clairement : « Le Fils de l’homme s’en va », librement, parce que « son temps est proche », l’Heure de son départ vers le Père a sonné. Nous pourrions multiplier les citations dans lesquelles Notre-Seigneur atteste son autorité souveraine sur les événements auxquels il consent librement : « Nul ne me prend ma vie mais c’est moi qui la donne ».
On comprend dès lors la souffrance de Jésus devant l’attitude de Judas : « Qu’il est malheureux l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! » Il n’a pas compris que Dieu mène le cours de l’histoire, ni l’enjeu du drame rédempteur qui se noue. « Il aurait mieux valu que cet homme ne soit pas né », c’est-à-dire qu’il ne soit pas « re-né » à la vie nouvelle de l’Esprit, puisque celle-ci n’a pas pu porter son fruit en lui. Il nous faut entendre ce cri de douleur de l’amour rédempteur : « Qu’il est malheureux celui qui, ayant rencontré son Sauveur, s’en détourne pour prendre d’autres voies. Qu’il est à plaindre celui qui est né à nouveau d’eau et d’Esprit, mais qui oublie son baptême, le considère comme peu de choses : il aurait mieux valu pour lui qu’il ne soit pas né dans les eaux baptismales et qu’il ne soit pas marqué par le sceau du saint chrême, car son ignorance aurait plaidé en sa faveur, alors que maintenant sa négligence, sa tiédeur et son ingratitude l’accusent ».
Si nous voulons demeurer fidèles, il n’est pas d’autre chemin que celui que nous rappelle le prophète dans la première lecture : nous tourner chaque matin vers la Parole de Jésus, afin qu’elle nous réveille de notre torpeur, nous arrache à notre enlisement dans la logique de ce monde, et que nous nous laissions instruire comme des disciples. Ce temps de carême nous est précisément donné pour que nous puissions revenir au Seigneur, car tous nous sommes plus ou moins concernés par la défection de Judas. Or il n’est jamais trop tard : « Il est proche celui qui me justifie » (1ère lect.). Un seul regard de foi vers celui dont nous nous sommes détournés suffit à libérer sa miséricorde et à nous guérir de la blessure de la trahison. « Car le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. Aussi je louerai le nom de Dieu par un cantique, je vais le magnifier, lui rendre grâce pour sa patience et sa miséricorde. Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête : “Vie et joie à vous qui cherchez Dieu” » (Ps 68).

« Puisque tu as voulu, Seigneur, que ton Fils fût crucifié pour nous afin de nous arracher au pouvoir de Satan, mets en œuvre ta miséricorde, pour qu’en célébrant la Passion de ton Fils, nous entrions dans son mystère d’amour et puissions recevoir la grâce de la résurrection » (Or. d’ouv. et Or. sur les offr.)


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