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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

jeudi Saint.

Dieu va intervenir dans l’histoire pour sauver les hommes : comment va-t-il s’y prendre ? Va-t-il envoyer des légions d’Anges armés de glaives de feu ? Sa venue va-t-elle être précédée par des cataclysmes cosmiques, ou des maladies qui déciment les habitants de la terre - comme l’avaient imaginé les hommes chargés de prophétiser l’irruption des temps nouveaux ? Ces représentations humaines de ce que le Seigneur devrait faire pour s’annoncer, ne correspondent heureusement pas aux mœurs de Dieu. Le Tout Puissant nous déconcertera toujours : il vient dans un petit enfant ; en guise de palais, il se contente de la pauvre maison d’un charpentier ; sa cours est composée de l’humble Reine du ciel et de Saint Joseph. Lorsqu’il se met en route, il est seul, pauvre, n’ayant pas même une pierre où poser sa tête ; bientôt il sera pourchassé, maudit, trahi. Vendu par les siens à l’occupant, il est condamné à une mort honteuse. Et lui « maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir ; comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison » (Is 53,4-7).
Pour élever l’homme jusqu’à lui, le Tout-Puissant s’abaisse, s’humilie, se fait en tout semblable au derniers des hommes pour n’en perdre aucun. Au point que nous avons tout le mal du monde à découvrir l’amour qui se révèle, tant il s’anéantit devant nous. Insupportable condescendance de Dieu qui se tient devant nous comme le serviteur, l’esclave, lavant les pieds du convive au terme d’un long voyage sur les routes poussiéreuses de Galilée. Mais de quoi Jésus me purifie-t-il lorsque, se penchant sur mes pieds, il les lave avec délicatesse ? Cette poussière qui colle si bien qu’elle est devenue comme une seconde peau, n’est-ce pas mon orgueil, ma soif d’indépendance, ma revendication d’autonomie, qui font tellement corps avec moi, que je n’en ai plus conscience ? N’est-ce pas là la source de tout péché ? Jésus s’épuise durant toute sa vie publique à nous appeler à la vie filiale, et son appel retentit à travers les siècles jusqu’à nous. Pourtant, nous feignons de ne point l’entendre, parce que nous refusons cette dépendance radicale dont Notre-Seigneur témoigne dans sa relation à son Père ; et nous refusons la solidarité inconditionnelle qu’il manifeste envers chacun de ceux qu’il considère comme ses frères.
Tel est le paradoxe de l’homme pécheur : nous souffrons de notre isolement, nous croupissons dans notre prison solitaire, et pourtant nous n’osons pas pointer le nez dehors, pas même lorsque Dieu frappe à la porte. Parce que la peur nous tient et nous tient bien. Eventuellement accepterions-nous de laisser entrer le Seigneur dans le vestibule, car lui au moins a fait la preuve qu’il vient pour nous servir ; mais pas question d’y laisser pénétrer un de ceux qu’il appelle « mes frères » et dont les exigences risquent de nous asservir ! Nous sentons bien que notre attitude est fausse, que nos jugements, nos exclusions, nos ségrégations, tout ce qui engendre et entretien la guerre en nous et autour de nous, tout cela sonne faux, car il s’agit ni plus ni moins de l’œuvre du Père du mensonge - « l’être à la langue fourchue » comme le nomme Benoît XVI - qui se sert des blessures du péché pour faire de nous ses complices. Mais comment sortir de cet engrenage infernal de revendications et de violences, de jalousies et de rancœurs, de haines et de douleurs ?
Il nous faut sans doute d’abord prendre conscience d’une manière plus dramatique encore, à la fois du triste état de notre vie intérieure, et de l’amour que Jésus persévère obstinément à nous manifester. Comme Pierre nous commençons par résister : comment le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois pourraient-il me laver les pieds, alors que je suis encore beaucoup moins digne que le Baptiste de dénouer la courroie de sa sandale ? Au cœur même de ce refus, il nous faut cependant entendre résonner les paroles de Jésus : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». La seule manière de sortir de nos égoïsmes, est de nous en laisser arracher par plus fort que nous. Osons crier avec Pierre : « “Pas seulement les pieds Seigneur, mais aussi les mains et la tête” et surtout le cœur : puisse mon cœur se liquéfier entre tes mains qui le lavent dans l’eau jaillie de ton côté, et puisse-t-il reprendre vie par la vertu du Sang jaillit de ce même côté ouvert pour moi ! » Nous pourrons alors obéir à l’invitation que Notre-Seigneur nous adresse : « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi comme moi j’ai fait pour vous. Le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé. Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites ».
Sans doute avons-nous déjà expérimenté que le volontarisme ne sert pas à grand-chose dans ce domaine, puisqu’il s’agit d’accueillir une nouvelle naissance, dont par définition, nous n’avons pas l’initiative : nous ne pouvons que nous tenir disponibles pour entrer dans la vie nouvelle qui nous est offerte - ce qui requiert un très grand esprit de simplicité ou d’enfance spirituelle. Seul un enfant est malléable et laisse l’Esprit imprimer en lui les principes de l’agir nouveau, dans la foi, l’espérance et la charité. Un jour qu’elle voulait commencer son Heure Sainte en se plongeant dans la Sainte agonie, Sainte Faustine entendit ces paroles : « Médite le mystère de l’Incarnation. » Soudain apparut devant elle l’Enfant Jésus, rayonnant de beauté, qui lui dit : « J’aime par-dessus tout la simplicité. Malgré ma grandeur, je ne fraie qu’avec les tout-petits. Je te demande d’être enfant en esprit. Tant que je ne t’aurai appris à être simple et humble, je viendrai te voir sous les apparences d’un petit enfant. »
Ainsi donc pour pouvoir suivre Jésus en Esprit et vérité sur le chemin de sa Passion, il nous faut demander avant tout l’esprit d’enfance. Seul l’enfant est capable de regarder souffrir celui qu’il aime avec compassion, sans chercher à intervenir, ni à comprendre ce qui le dépasse, mais en mettant tout son effort à consoler celui que son cœur aime, par des gestes simples de tendre affection. Puissions-nous réapprendre cette attitude à l’école de la Vierge Marie, et nous joindre au groupe des disciples fidèles qui ont su suivre Jésus jusqu’au sommet de son holocauste d’amour.

« Chaque jour, Seigneur, tu renouvelles pour nous l’œuvre de notre Rédemption dans le Saint Sacrifice de l’Autel. Accorde-nous en ce Jeudi Saint la grâce de vraiment participer à cette Eucharistie, afin de pleinement accueillir le don du salut, et de t’en rendre grâce avec la simplicité et l’émerveillement d’un cœur d’enfant. »


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