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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

vendredi Saint.

La trame des événements de la Passion décrite par saint Jean est quasiment la même que celle des Synoptiques : mêmes personnages, mêmes épisodes : arrestation sous la conduite de Judas, dispersion des disciples, reniement de Pierre, procès devant Pilate, choix de Barabbas, flagellation, outrages, marche vers la croix, écriteau sur la croix, partage des vêtements, crucifiement, mort de Jésus, ensevelissement…
Mais sur cette trame, les récits évangéliques cherchent à manifester un sens pour la foi. C’est ici qu’entrent en jeu différents accents théologiques. Globalement, on pourrait dire que les Synoptiques, en prolongeant le récit de la Passion par celui de la résurrection, font apparaître le schéma « abaissement/glorification » bien explicité par l’hymne de l’épître aux Philippiens (que nous avons d’ailleurs entendue dimanche dernier à l’occasion des Rameaux, au début de cette semaine sainte). Saint Jean, quant à lui, présente la Passion comme déjà irradiée de la gloire divine si bien que la mise en croix est clairement interprétée comme le sommet de la Gloire divine révélée en Jésus-Christ et non comme le lieu de l’abaissement le plus grand. D’ailleurs, à ce titre, il n’est pas fortuit que la dernière parole de Jésus, élevé sur la croix, soit un cri non pas de déréliction mais de victoire : « Tout est accompli ». Il est aussi important de remarquer que dans le récit de la Passion de saint Jean, l’unité entre le Fils et le Père ne fait que croître d’une manière telle que la traversée de la mort se présente comme le début de la glorification du Fils à la droite du Père dans une communion parfaite.

Cela signifie-t-il pour autant que l’évangéliste aurait évacué la présence et la valeur mystérieuse de la Croix ? Non. Jean ne veut en rien nous induire à une lecture docète et gnostique de la Passion et de la mort de Jésus. Il veut seulement attirer notre attention sur le paradoxe de la mort de notre Seigneur : la Gloire de Dieu se révèle dans le lieu où l’on s’attendrait le moins à la voir jaillir ! Au moment où saint Jean écrit c’est d’ailleurs plus la divinité de Jésus qui pose problème que son humanité.
Voilà pourquoi Jean a mis en relief au cours de la Passion de Jésus son identité véritable ainsi que sa maîtrise souveraine des événements. A ce titre, le récit johannique de l’arrestation du Seigneur au Jardin des Oliviers est révélateur. Jésus sait très bien le sort qui lui est réservé et il va prendre l’initiative du dialogue avec ceux qui sont venus pour l’arrêter. C’est lui qui non seulement prend la parole mais aussi leur pose une question : « Qui cherchez-vous ? » Et de les confirmer « C’est moi » ! Ce « c’est moi », comme dans beaucoup de passages du quatrième évangile, au-delà de la simple désignation, présente un autre sens. Pour celui qui connaît l’Ancien Testament, il renvoie explicitement à l’épisode du buisson ardent (Ex 3, 14) et à la formule utilisée par le Seigneur pour répondre à Moïse qui lui demandait son nom. Ainsi, face aux soldats romains et aux gardes du Grand Prêtre, représentant le pouvoir civil et le pouvoir religieux unis contre lui, Jésus affirme sa divinité si bien que ce sont eux, ses adversaires, qui trébuchent à terre. Jésus est maître de sa destiné : « Nul ne prend ma vie mais c’est moi qui la donne. » Dans le récit de saint Jean, il est d’ailleurs impressionnant de voir la souveraineté avec laquelle Jésus va dès lors maîtriser les épreuves et le déroulement de sa Passion, particulièrement lors de ses derniers instants.

La Passion selon saint Jean rend clairement manifeste l’affrontement entre le monde des ténèbres, les deux pouvoirs civils et religieux coalisés, qui apparaissent comme tout puissants et le monde la lumière, Jésus, seul et impuissant à vue humaine. La situation apparente est telle que dans ce combat on risque fort de se méprendre sur les moyens à utiliser pour en sortir vainqueur. Comme saint Pierre qui sort son épée…
Jésus nous montre ici que la victoire dans le combat à sa suite ne naîtra pas de la violence en réponse à la violence mais de l’obéissance au Père, expression la plus achevée d’une communion totale de volonté avec lui. Pourquoi ? Parce que le combat se situe ici à un autre niveau. L’intervention de Jésus auprès de saint Pierre après qu’il a tranché l’oreille du serviteur Malchus, le montre clairement : « Remets ton épée au fourreau. Est-ce que je vais refuser la coupe que le Père m’a donnée à boire ? » Par ces mots, Jésus manifeste bien son refus de la violence et son désir de communier totalement à la volonté de salut du Père : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils non pour juger mais sauver le monde… »

Jésus nous a sauvé par son amour et ses souffrances en révèlent le caractère absolu. Peut-être sommes-nous déçus de nous-mêmes de ne pas réussir à nous émouvoir et à pleurer au souvenir de la Passion de notre Seigneur. Mais pleurer pour ce qu’il a souffert, est-ce vraiment ce que Jésus attend de nous ? Aux femmes, sur son chemin de croix, il adresse ces paroles : « Ne pleurez pas sur moi, mais pleurez plutôt sur vous-mêmes » (Lc 23,28). Pleurez sur vous-mêmes, pleurez sur nous-mêmes. Pourquoi ?

Nous quittons ici l’aspect historique de l’événement pour entrer dans le mystère qui rejoint chacun à travers les âges, qui nous rejoint, nous, aujourd’hui. A côté des juifs et des romains, j’étais là moi aussi en ce jour de la Passion de mon Seigneur et il m’a dit : « pleure sur toi ». Nous étions tous là. Le « nous » qu’Isaïe, dans la première lecture de ce jour, a lié pour toujours à ces faits nous le rappelle : « C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. […] c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé, c’est par nos péchés qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche » Ces paroles ne doivent pas résonner pour nous comme une culpabilisation mais comme une invitation à contempler et à rendre grâce à Dieu pour le poids d’Amour dont il nous aime et qu’il nous a révélé en son Fils bien aimé. Ce n’est que dans la lumière de cet Amour que nous pourrons réaliser ce qu’est notre péché et nous en éloigner. C’est précisément l’expérience de saint Paul qui le fait s’écrier : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,20 ; Ep 5,2). Ce « moi » c’est lui, le persécuteur du Christ et des chrétiens. Ce « moi », c’est aussi chacun d’entre-nous, à qui Jésus redit aujourd’hui : « je t’ai aimé et j’ai donné ma vie pour toi ».

Comme nous y invite le Saint Père dans une prière : « Contemplons en ce jour le Crucifié. Ecoutons-le dans sa Passion, écoutons-le parler à notre cœur, écoutons-le nous dire : « Tu comptes beaucoup pour moi. » S’il y a des larmes dans nos yeux ce soir, que ce soient des larmes de contrition exprimant à la fois le regret de notre péché et la reconnaissance et la joie devant l’Amour dont Dieu nous a aimé. »


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