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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

vendredi, 3ème semaine de Pâques.

On comprend la réaction spontanée des auditeurs de Jésus : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Nous avions déjà précisé que le terme « chair » ne saurait désigner le corps du Seigneur, mais renvoie à sa personne toute entière, c’est-à-dire au Verbe divin qui « s’est fait chair et a habité parmi nous » (1, 14). Quant à l’utilisation du verbe « manger », elle ressort du contexte général du discours : un pain n’est vivifiant que dans la mesure où il est précisément mangé. Cette manducation symbolise l’adhésion croyante, qui conduit à une véritable communion de vie, à une inhabitation réciproque, à la manière dont la nourriture est incorporée en celui qui la mange : « Demeurez en moi comme je demeure en vous (…) car en-dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (15, 4-5). Ajoutons cependant une nuance supplémentaire : « Le pain que je donnerai, proclame Jésus, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». On ne donne pas en nourriture la chair d’un être vivant ; « la chair donnée » suppose inévitablement une mort préalable, librement consentie. Si l’image du « pain donné » n’évoquait pas spontanément la mort, celle de la « chair donnée » par contre nous y conduit nécessairement, comme un chemin inévitable pour atteindre le but visé : donner la vie au monde.
C’est probablement ce qu’ont compris les interlocuteurs de Jésus qu’on ne peut pas soupçonner d’une interprétation littérale, grossièrement matérielle. Ces hommes ont saisi que Jésus prétend être d’origine divine - il « descend du ciel » - et se présente comme le don ultime et définitif de Dieu, qui se révèle Père en nourrissant ses enfants du pain de sa Parole de vie. Mais pour eux la proposition selon laquelle le monde serait vivifié par le sacrifice du Messie, ne peut que paraître absurde. Comment le salut venant de Dieu pourrait-il emprunter le chemin de la mort ? En imaginant un instant que les prétentions de ce Jésus soient vraies et qu’il soit de condition divine, comment le Maître de la Vie pourrait-il être effleuré par l’ombre de la mort ?
En quelques versets, saint Jean suggère ici les deux objections fondamentales au mystère chrétien : le scandale de l’Incarnation - un Dieu qui se compromet avec sa créature au point de s’enfoncer dans l’opacité de la chair ; et un Dieu qui prétendrait vivifier les hommes en assumant leur mortalité - qui ferait donc l’expérience de la mort. Hier comme aujourd’hui, voilà les principales pierres d’achoppement pour ceux que le Seigneur appelle à venir à lui, et peut-être n’avons-nous pas fini de nous confronter nous-mêmes à ces scandales.
Entendant l’objection, Jésus renchérit solennellement : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son Sang, vous n’aurez pas la vie en vous ». Notre Seigneur confirme le paradoxe en ajoutant l’exigence non seulement de « manger la chair », mais également de « boire le sang du Fils de l’homme ». Le binôme « chair-sang » est traditionnel pour désigner l’homme dans sa condition naturelle : « La chair et le sang ne t’ont pas révélé cela » (Mt 16,17) disait Jésus à saint Pierre en parlant de la profession de foi qu’il venait de faire. Dès lors la séparation de la « chair » et du « sang » - manger la chair et boire le sang - explicite la dimension sacrificielle d’un don impliquant la mort, celle-ci survenant précisément lorsque le principe de vie - le sang - est séparé de la chair.

Jésus invite donc avec insistance ses auditeurs à adhérer dans la foi au sens salvifique, à la valeur rédemptrice de sa mort concrète, présentée comme source de notre vie. Il laisse cependant transparaître que ce mystère s’accomplira à travers une péripétie inattendue : la résurrection. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour » ; ce qui suppose qu’il soit lui-même revenu à la vie au-delà de la mort consentie.
Notre-Seigneur nous révèle ainsi le chemin déconcertant par lequel Dieu nous offre le salut : « le Père qui est Vivant » envoie son Fils, qui épouse notre condition humaine jusque dans sa mortalité, afin que ceux qui acceptent de venir à lui dans la foi, se relèvent en lui au jour de la résurrection.
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi je demeure en lui ». On aurait attendu l’inverse, la nourriture demeurant d’abord en celui qui la mange ; tout au contraire, la communion d’amour suggérée par l’image de la manducation conduit à une insertion du mortel dans l’Immortel afin qu’en lui nous puissions recevoir la Vie, comme lui-même la reçoit du Père : « De même que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».
Voilà pourquoi, contrairement à la manne préfigurative, ce pain est vivifiant : en s’incarnant, le Verbe récapitule en lui toute humanité pour l’emplir de sa divinité. En nous unissant à lui par la foi, nous accueillons au sein de notre mortalité, sa propre Vie divine immortelle, en vertu de laquelle nous vivons dès à présent en lui et ressusciterons au dernier jour.
Il est difficile de savoir si les paroles que nous venons d’entendre annonçaient directement l’Eucharistie. Mais il est incontestable qu’elles introduisaient au mystère que Jésus allait instituer le soir du jeudi saint, et qui trouve tout son sens sur l’horizon de ce discours du « pain de vie ».

« Sois béni, Père, de continuer à nous livrer ton Fils dans chaque Eucharistie. Sois béni Jésus pour ce mystère d’amour par lequel nous pouvons demeurer en toi et tu demeures en nous. Sois béni Esprit Saint qui te communique à nous lorsque nous mangeons le Pain et buvons le Vin sur lesquels tu as été invoqué. Nous ne pouvons rien vous offrir en retour que notre pauvre reconnaissance et l’obéissance de notre foi : aussi voulons-nous nous approcher avec confiance de la Table où tu nous nourris, Père, de la divine humanité de ton Fils unique, afin de nous rendre participants de sa vie dans l’Esprit. »


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