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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

6ème dimanche du temps Pascal, Solennité du Seigneur.

« Il est urgent, écrivait Jean-Paul II, que le monde redécouvre le christianisme comme la religion de l’amour ». Le Saint Père ne nous invitait pas à nous mettre au diapason du monde, qui confond allègrement amour et convoitise ; mais plutôt à manifester ce que l’Esprit Saint peut réaliser dans la vie des hommes qui s’ouvrent à son action. Car l’amour véritable - l’amour de charité - « vient de Dieu » (2nd lect.) ; il est objet de révélation. Il ne procède pas de la spontanéité de notre nature mortellement blessée par le péché, mais il est un don du Père « qui nous a aimés et a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui » (Ibid.).

Le verbe « aimer » et le substantif « amour » apparaissent neuf fois dans la seconde lecture et neuf fois également dans l’Evangile. Autant dire qu’ils constituent le fil rouge de la liturgie de ce dimanche. L’insistance est claire : seul le Christ peut nous initier à l’amour de charité ; car seul celui qui est libéré des conséquences funestes du péché peut entrer dans la liberté du don de soi. C’est précisément pour cela que Dieu nous a manifesté son amour « alors même que nous étions encore ses ennemis » (Rm 5,10) : en « donnant sa vie » pour nous, Jésus nous a aimés d’un amour plus puissant que tous nos refus, que toutes nos ruptures d’alliance. Aussi, le « seul moyen d’échapper à la justice de Dieu, écrit Saint Augustin, c’est de nous jeter dans les bras de sa miséricorde. Ne fuis pas loin de lui, mais réfugie-toi en lui ! » Nous conservons une dette, certes, mais une dette de reconnaissance envers celui qui « nous a aimé et s’est livré pour nous » (Ga 2,20). Jésus lui-même nous enseigne comment nous en acquitter : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », c’est-à-dire dans l’Esprit Saint qu’il a répandu à profusion dans le cœur de ceux qui croient en son nom (cf. 1ère lect.).

« Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il n’est pas la totalité de l’amour », insiste Benoît XVI. L’amour véritable n’est pas une simple passion de l’âme, mais il est le fruit précieux entre tous d’un acte divin, fondateur. Il jaillit de la Croix du Christ, où le don de soi porté à incandescence nous guérit définitivement de nos replis narcissiques, de nos peurs et de nos impuissances à nous livrer. Tout amour véritable doit s’abreuver à cette Source, car seule l’Eau vive jaillissant du Cœur de Dieu peut nous purifier de la lèpre de la convoitise, et nous ouvrir à la gratuité du don sans mesure. La Croix dénonce le mensonge de la cité terrestre où règne « l’amour de soi au mépris de Dieu » (Saint Augustin), et nous oblige à nous situer face à la proposition de l’Evangile, qui nous invite à participer à la construction du Royaume, fondé sur « l’amour de Dieu (et de nos frères) au mépris de soi ». Inutile de chercher un compromis : soit nous idolâtrons notre individualité et nous méprisons le Crucifié dont la vue nous est insupportable ; soit nous nous convertissons à l’amour, et nous implorons la grâce de mourir à nous-mêmes pour avancer sur le chemin de la vérité et de la vie.

La Croix dressée sur le monde demeure pour tous les hommes de tous les temps, le lieu de « crise » - du grec krinein, discernement - où nous avons à décider du sens de notre vie. Pour celui qui ne ferme pas son cœur, la folie de la Croix oblige ; elle est un appel à nous dépasser, à nous arracher, avec l’aide de la grâce à l’inertie de notre individualisme, pour obéir au précepte de l’amour. Oui, en présence de la gloire de l’Amour crucifié, la charité devient un impératif, car hors d’elle, rien ne vaut. « À l’origine du fait d’être chrétien, écrivait Benoît XVI dans sa première Encyclique consacrée à l’Amour divin, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. Le regard tourné vers le côté ouvert du Christ, dont parle Jean (cf. 19, 37), comprend que “Dieu est amour” (1 Jn 4,8). C’est là que cette vérité peut être contemplée ; et, c’est en partant de là qu’on doit définir ce qu’est l’amour. C’est enfin à partir de ce regard que le chrétien trouve la route pour vivre et pour aimer. »

L’Amour crucifié est la Source à laquelle nous avons à nous abreuver, afin de pouvoir à notre tour en témoigner au cœur du monde, mettant nos pas dans ceux de toutes les générations de saints qui ont marqués l’histoire de leur empreinte, en incarnant la proposition de l’Evangile. Impossible de ridiculiser ni de récupérer un tel témoignage : il force le respect car il « prouve » la vérité du christianisme de manière plus éloquente que tous les livres de théologie. Certes les chrétiens n’ont pas le monopole de l’amour de charité : l’Esprit Saint se donne à tout homme de bonne volonté qui écoute l’appel de sa conscience. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir des fruits de sainteté présents dans d’autres traditions ; mais nous savons qu’ils découlent eux-aussi de la Croix, même là où la seigneurie du Christ n’est pas explicitement confessée. Aussi ces « semences de sainteté » répandues parmi les païens (cf. 1ère lect.) devraient-elles nous stimuler à hâter le pas sur le chemin de l’Evangile, en « donnant notre vie pour nos amis » avec une générosité accrue. « Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres » ; car « Dieu est amour : celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (2nd lect.).

La gloire de la Croix n’illumine pas seulement les manifestations extraordinaires de la charité : elle veut rayonner sur toute action, la plus humble soit-elle, car Dieu s’est fait homme, pour que toute notre réalité humaine puisse passer en Dieu, selon le dessein originel du Père. L’incarnation a rendu caduque la distinction entre le sacré et le profane : la Lumière est venue dans le monde afin d’illuminer notre intelligence, de fortifier notre volonté, et de nous permettre de vivre dans l’amour, c’est-à-dire dans le don de soi, à l’image du Christ qui nous appelle à participer à sa propre vie dans l’Esprit Saint. Pour que la conversion soit aussi radicale et que plus rien de notre vie n’échappe à la lumière transformante de l’Amour divin, nous avons vitalement besoin de revenir sans cesse à la Source. C’est pourquoi, « Jésus a donné une présence durable à son acte d’offrande, dans l’institution de l’Eucharistie. Il anticipe sa mort et sa résurrection en se donnant lui-même à ses disciples dans le Pain et dans le Vin, son Corps et son Sang comme nouvelle manne (cf. Jn 6,31-33). Dans l’Eucharistie le Fils se fait nourriture pour nous et nous attire dans son acte d’offrande. Nous ne recevons pas seulement le Verbe incarné de manière statique, mais nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande. Une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée. Réciproquement, le “commandement” de l’amour ne devient possible que parce qu’il n’est pas seulement une exigence : l’amour peut être “commandé” parce qu’il est d’abord donné. Ainsi, il n’est plus question d’un “commandement” qui nous prescrit l’impossible de l’extérieur, mais au contraire d’une expérience de l’amour, donnée de l’intérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé à d’autres. L’amour grandit par l’amour. L’amour est “divin” parce qu’il vient de Dieu et qu’il nous unit à Dieu, et, à travers ce processus d’unification, il nous transforme en un “Nous”, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusqu’à ce que, à la fin, Dieu soit “tout en tous” (1 Co 15, 28). »

« “Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l’accordera”. Forts de cette promesse, nous te demandons, Seigneur, de nous ouvrir à ton Esprit d’Amour, afin que nous puissions t’aimer plus que tout, et “nous aimer les uns les autres” comme tu nous le commandes. Alors notre vie, transfigurée par l’Esprit, sera un témoignage vivant de la Bonne Nouvelle : “Dieu a manifesté son amour parmi nous : il a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui”. »


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