mercredi, 6ème semaine de Pâques.

A chaque jour suffit sa peine : Jésus a encore beaucoup de chose à enseigner à ses disciples – ainsi qu’à tous ceux qui viendront après eux – mais pour l’instant, ils n’ont pas encore la force de porter l’intégralité de « son joug », au sens rabbinique de la doctrine de sagesse qu’il leur révèle de la part du Père. D’autant plus que cette suprême sagesse est celle de la Croix, « folie pour les païens, scandale pour les Juifs » (1 Co 1,23), que seul l’Esprit peut nous faire progressivement découvrir comme « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1,24).
Jésus n’est pas seulement « la vérité », il est aussi et indissociablement « le chemin » vers « la vie ». C’est dire que son compagnonnage tout au long de l’histoire est une patiente pédagogie qui respecte le rythme de chacun. Le Bon Berger marche au pas de ses brebis afin qu’aucune ne se perde ; il les conduit sur les gras pâturages de la vie divine, par la médiation de l’Esprit.
« Si Jésus est le chemin, l’Esprit est le cheminement : il fera cheminer non pas vers, mais dans toute la vérité. La vérité n’est pas seulement un but à atteindre : c’est un milieu de vie déjà offert et partiellement donné » (Xavier Léon-Dufour). Tout est offert dans le Fils, par qui nous « sont venues la grâce et la vérité » (1,17) ; mais il faut que l’Esprit nous introduise dans la connaissance progressive du Mystère du Père, et il le fait en nous introduisant toujours plus profondément dans le don de la vie filiale.
La mission de l’Esprit ne pouvait pleinement se déployer que lorsque la Parole s’était totalement exprimée : le « Tout est achevé » prononcé par Jésus en Croix s’achève dans le geste : « inclinant la tête, il remit l’Esprit ». A lui désormais d’aider le disciple à intérioriser le message de grâce, afin d’en vivre, et de laisser la Parole faire la vérité en lui. Avant cela Jésus avait eu soin de confier « le disciple qu’il aimait » à la « femme », c’est-à-dire Marie, qui après avoir accompli jusqu’au bout sa mission de Mère de la Tête, recevait par ces mots le ministère d’enfantement du Corps. Le verbe utilisé par Jean pour exprimer que « le disciple la prit chez lui » suggère que nous sommes invités à recevoir Marie dans le même mouvement de foi par lequel nous accueillons Jésus lui-même. Peut-être l’Evangile nous révèle-t-il ici un lien étroit entre la mission de Marie et celle de l’Esprit : en prenant Marie chez nous, c’est l’Esprit Saint que nous accueillons comme Maître intérieur, lui qui nous enfante à la vie divine en nous donnant accès à la vérité toute entière.
L’Esprit ne se présente pas en concurrent du Christ : tout au contraire, dans sa discrétion il s’efface pour « glorifier » Jésus, et ne « reprendra que ce qui vient de lui pour le faire connaître » aux disciples. D’ailleurs, que pourrait-il donner que Jésus ne nous ait pas déjà offert ? « Tout ce qui appartient au Père est à moi », et « tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15,15).
L’action de l’Esprit consiste à donner vie au souvenir de la présence de Jésus au milieu des siens, à rendre silencieusement témoignage à la vérité de sa Parole, à toucher le cœur des disciples de manière à ce que ce souvenir deviennent anamnèse : célébration du Vivant, qui continue à relire avec eux les Ecritures et à se faire voir dans la fraction du pain : « Elle demeure en vous l’onction par laquelle il vous a consacrés, et vous n’avez pas besoin qu’on vous instruise. Vous êtes instruits de tout par cette onction, qui est vérité et non pas mensonge : suivant ce qu’elle vous a enseigné, vous demeurez en lui » (1 Jn 2,27).

« Seigneur Jésus, tu es le chemin qui nous conduit à la pleine réalisation du dessein d’amour de Dieu. Envoie encore sur nous l’Esprit Saint : qu’il nous guide jour après jour ; qu’il fasse en nous la vérité et nous communique la vie divine, afin que nous puissions glorifier le Père et le Fils par une existence qui leur plaise en toutes choses. »