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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

jeudi, 10ème semaine du temps Ordinaire,

Les disciples se sont « rassemblés autour de Jésus, sur la montagne ». La rencontre est informelle, conviviale ; certes, Jésus est au milieu des siens comme le Maître, mais pas comme un Docteur qui enseignerait du haut d’une chaire. Le Bon Berger connaît ses brebis : il sait se mettre à leur niveau ; et ses brebis le connaissent ; elles reconnaissent sa voix et viennent à lui (cf. Jn 10,4). C’est dans l’intimité d’une rencontre amicale, que Notre-Seigneur va dévoiler à ces gens simples, le cœur de son message, qu’il faut bien qualifier de paradoxal.
« Je vous le déclare, à vous mes amis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux ». Voilà une affirmation qui a du laisser perplexe ces hommes et ces femmes issus du petit peuple ! Comment pourraient-ils prétendre faire mieux que leurs chefs religieux ? « Pourtant si le Rabbi nous invite à les surpasser dans l’ordre de la justice, il faut bien que ce soit possible ! Y aurait-il donc un précepte que les scribes ignorent et que Jésus s’apprête à révéler ? » Avide de découvrir de quoi il s’agit, ils s’approchent du Seigneur pour entendre la suite.
Or Jésus n’a pas l’intention de les charger d’un commandement supplémentaire, mais plutôt de dévoiler l’intentionnalité profonde de tous les préceptes. Nous pourrions dire que la justice des scribes et pharisiens est contractuelle : la Loi de Dieu exige d’exclure le meurtre de la vie sociale ; si quelqu’un transgresse cette loi, « il en répondra au tribunal », qui lui infligera une juste peine, c’est-à-dire une punition proportionnée à sa faute en tenant compte des conditions dans lesquelles l’acte a été commis. C’est encore la manière de procéder de nos sociétés, sauf que le fondement de la loi n’est plus le précepte divin (ni même la loi
naturelle) mais le consensus social. Jésus ne récuse pas l’application d’une telle justice ; mais il la déclare insuffisante pour accéder au Royaume.
Pour éviter que la justice ne dégénère en son contraire, il est nécessaire de recourir à un dynamisme plus fondamental dont l’évangile nous révèle qu’il conditionne l’ordre de la justice, à savoir la force de l’amour (cf.
Jean Paul II, Encyclique Dives in misericordia).
Seul l’amour nous donne accès au Royaume, car seule « la charité couvre une multitude de péché » (1 P 4,8). Or la première parole de l’amour est le respect. Si la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû, alors il faut commencer tout à fait logiquement à reconnaître à chacun le droit d’être respecté non seulement dans son intégrité physique, mais également dans son intégrité morale, c’est-à-dire dans sa réputation. Celui qui ne respecte pas ce droit, est passible lui aussi d’une condamnation, car il a enfreint le commandement de l’amour, qui résume toute la Loi.
Le crescendo dans les menaces proférées par Jésus - tribunal, grand conseil, géhenne - correspond au caractère de plus en plus délibéré du tort infligé.
La colère est une passion de l’âme qu’il n’est pas toujours facile de juguler ; l’insulte peut encore être l’expression d’un mouvement impulsif ; mais la malédiction est un acte délibéré, et qui de plus prend le contre-pied de la parole de bénédiction que Dieu prononce sur ses enfants, « sur les bons comme sur les méchants ». C’est parce qu’il s’oppose au Dieu d’amour, que celui qui maudit son frère se condamne lui-même aux flammes dévorantes de la haine.
Tout autre est l’attitude de Dieu à notre égard, dont Jésus nous décrit le comportement dans la parabole du Père prodigue. Lorsque le fils cadet exige de son père sa part d’héritage, celui-ci aurait pu légitimement « se mettre en colère » contre ce fils qui fait bien peu de cas de son autorité - voire même de sa vie, puisqu’il anticipe sa mort. Il aurait pu l’« insulter », lui reprochant son ingratitude ; il aurait même pu « maudire » ce fils indigne.
Mais il se tait, non par indifférence, lâcheté ou lassitude, mais afin de ne pas rompre la relation par une parole qui en prétendant rétablir la justice, viendrait confirmer la rupture. Le silence du père est l’expression de sa souffrance et de sa miséricorde, c’est-à-dire de sa disponibilité envers celui qui demeure son fils, quelle que soit l’injustice dont il s’est rendu coupable.
C’est au nom de cette dignité fondamentale de fils de Dieu, bien suprême qui doit à tout prix être reconnu et préservé, que Notre-Seigneur insiste encore dans le second volet de notre péricope, sur l’exigence de charité fraternelle.
Nous ne nous tenons en effet jamais seuls devant Dieu ou « devant l’autel »
 : le Dieu auquel je rends un culte est le Père de tous les hommes ; celui qui m’a été révélé par le Christ, lui qui a livré sa vie pour « rassembler les enfants de Dieu dispersés » dans l’unité de l’Esprit. Comment pourrions-nous dès lors nous tenir en vérité devant Dieu, alors qu’un de nos frères « a quelque chose contre nous » ? Nous ne pouvons nous approcher de Dieu qu’en entrant dans le cercle familial de ceux qui, par la foi, sont devenus fils et filles de celui que Jésus nous a appris à nommer non pas « mon » Père, mais « notre » Père.

« Notre Père qui es aux cieux, pardonne-nous notre dureté de cœur, et donne-nous de pardonner à nos frères qui nous ont offensés, afin que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, et que nous puissions rompre dans la paix de l’Esprit, le Pain du Royaume que tu offres à tes enfants. »


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