Catholic.net International English Espanol Deutsh Italiano Slovensko
 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
Navigation: Homélie

 

Homélie

Saint Romuald, abbé,

Nous poursuivons cette semaine encore la méditation des antithèses du Sermon sur la Montagne. « Vous avez appris que… » >< « Eh bien moi, je vous dis… ». La barre est haute, très haute ; comme le ciel et les pensées de Dieu sont infiniment au-dessus de nos manières humaines d’évaluer les situations. Plus exactement : c’est à la lumière des exigences formulées par Jésus, que nous pouvons évaluer la profondeur de l’abîme dans lequel le péché nous a entraînés. Car c’est bien le péché qui nous a privés de la grâce de Dieu et rendus impuissants à répondre à son appel.
Les préceptes que Jésus nous enseigne ne sont rien de moins que la charte du Royaume auquel le Père nous conviait dès les origines, et auquel Notre-Seigneur nous donne un nouvel accès - si du moins nous nous risquons sur le chemin de l’obéissance de la foi (Rm 1,5). Hélas nous sommes bien obligés de reconnaître que nous adhérons spontanément aux comportements que Jésus dénonce comme insuffisants pour le Royaume. Il faut donc commencer par nous laisser séduire par les contre-propositions de Notre-Seigneur, nous mettre à l’écoute des résonances qu’elles suscitent au fond de notre conscience, afin de mobiliser notre volonté et tendre à leur mise en œuvre dans notre vie quotidienne. Soyons-en convaincu : dès qu’il nous verra nous engager dans cette direction, l’Esprit Saint se hâtera de venir au secours de notre impuissance et nous aidera à faire nos premiers pas hésitants dans un monde où nous avons perdu la plupart de nos repères.
Dans le passage que nous venons de lire, Jésus s’en prend vigoureusement à la logique de la répétition indéfinie de la violence - fût-elle légale. Une telle pseudo-justice est incapable d’établir une paix durable car elle revendique que l’autre souffre tout autant que moi, du mal qu’il m’a fait subir. Rien de plus certes - ce qui nous sauve de la vengeance disproportionnée que préconisait Lamek : « J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure » (Gen 23-24) - mais c’est néanmoins le mal qui triomphe : du bourreau à la victime et retour, la destruction est doublée.
Jésus nous invite au contraire à une justice surabondante, qui renonce à revendiquer que le mal soit rendu, et par le fait même entretenu. Certes, celui qui pardonne ainsi sait qu’il prend un risque. En renonçant à la puissance du droit qui lui permet de régler le litige par la force, il s’expose à être lui-même victime de la violence à laquelle il a renoncé. Mais il sait aussi que sans ce risque, l’histoire n’a aucun avenir et que la violence se répétera indéfiniment par alternance d’oppresseurs devenant opprimés et d’opprimés se transformant en oppresseurs. Celui qui pardonne rompt délibérément ce cercle infernal, au risque de sa propre vie. Jésus a couru ce risque jusqu’au bout et tant d’autres à sa suite, qui ont cru en la victoire finale de l’amour sur la haine, du pardon sur les exigences d’une justice tout humaine.
« Il n’y a pas de paix sans justice, mais il n’y a pas de justice sans pardon » (Jean-Paul II) : pardonner, revient à libérer le coupable en le relevant de sa dette, tout en sachant qu’il peut fort bien tourner contre nous l’arme que nous venons de déposer. C’est donc s’exposer sans défense à la liberté de l’autre auquel on fait pleinement confiance, dans la cohérence d’« une foi agissante par la charité » (Ga 5,6).
L’invitation à tendre la joue droite souligne l’exigence d’un tel comportement : à la violence, nous sommes invités à répondre par une attitude qui signifie que nous avons renoncé à nous faire justice. De même que Jésus s’est livré entre les mains des hommes en s’abandonnant totalement au bon vouloir de son Père, nous choisissons délibérément de laisser disposer de nous-mêmes, en remettant notre cause à Celui qui tient notre vie entre ses mains.
Il ne s’agit pas pour autant d’un « laisser faire », d’une démission, voire d’une soumission servile. Jésus nous invite tout au contraire à poser des actes de liberté positifs : « laisse ton manteau, fais deux milles pas avec lui, donne, ne te détourne pas ». C’est précisément en nous engageant ainsi à l’encontre de la violence, que nous sauvons notre liberté de toutes les haines, colères, et autres désirs de vengeance qui l’assaillent et la poussent à une riposte qui ne ferait qu’amplifier le mal. Autrement dit : il s’agit d’empêcher que nos puissances irascibles nous entraînent dans la spirale de la violence, en les mobilisant pour faire le bien.

« Seigneur donne-nous le courage de mettre en pratique ces préceptes dans nos relations quotidiennes ; de choisir de construire avec toi l’unité par le chemin du pardon, plutôt que de disperser nos forces spirituelles dans la violence aveugle. Apprends-nous à nous oublier, à nous soucier davantage de “donner à qui nous demande”, plutôt que de réclamer ce qui nous est dû, même en stricte justice. Car la justice des hommes ne donne pas accès au Royaume de l’amour. »


Accueil | Version Mobile | Faire un don | Contact | Qui sommes nous ? | Plan du site | Information légales