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 - 5 octobre 2024 - Sainte Fleur
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Homélies

Pentecôte 2008

Chers frères et sœurs,

Le récit de l’événement de la Pentecôte, que nous avons écouté dans la première lecture, est rapporté par saint Luc dans le deuxième chapitre des Actes des Apôtres. Le chapitre commence par la phrase : « Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble » (Ac 2,1). Ce sont des paroles qui font référence à l’épisode précédent, dans lequel Luc a décrit la petite compagnie des disciples, qui se rassemblait assidûment à Jérusalem après l’ascension de Jésus au ciel (cf. Ac 1,12-14). Il s’agit d’une description riche de détails : le lieu « où ils habitaient » - le Cénacle - est une pièce située « à l’étage supérieur » ; les onze apôtres sont cités par leur nom, et les trois premiers sont Pierre, Jean et Jacques, les « colonnes » de la communauté ; avec eux sont mentionnées « quelques femmes », « Marie la mère de Jésus » et « ses frères », désormais intégrés dans cette nouvelle famille, fondée non plus sur les liens du sang mais sur la foi en Christ.

Le nombre total des personnes, qui était « environ de cent vingt », multiple du chiffre « douze » du Collège apostolique, fait clairement allusion à ce « nouvel Israël ». Le groupe constitue un authentique « qahal », une « assemblée » selon le modèle de la première Alliance, la communauté convoquée pour écouter la voix du Seigneur et marcher sur ses traces. Le Livre des Actes souligne que « d’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière » (1, 14). La principale activité de l’Eglise naissante est donc la prière, à travers laquelle elle reçoit son unité du Seigneur et se laisse guider par sa volonté, comme le démontre également le choix de tirer au sort pour élire celui qui prendra la place de Judas (cf. Ac 2,25).

Cette communauté se trouvait réunie dans le même lieu, le Cénacle, le matin de la fête juive de la Pentecôte, fête de l’Alliance, où l’on faisait mémoire de l’événement du Sinaï, lorsque Dieu, à travers Moïse, avait proposé à Israël de devenir sa propriété parmi tous les peuples, pour être le signe de sa sainteté (cf. Ex 9). Selon le Livre de l’Exode, ce pacte antique fut accompagné par une manifestation de puissance terrifiante de la part du Seigneur : « Or la montagne du Sinaï - y lit-on - était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu dans le feu ; la fumée s’élevait comme d’une fournaise et toute la montagne tremblait violemment » (Ex 19, 18). Nous retrouvons les éléments du vent et du feu dans la Pentecôte du Nouveau Testament, mais sans aucune connotation de peur. En particulier, le feu prend la forme de langues qui se posent sur chacun des disciples, qui furent « tous remplis de l’Esprit Saint » et par l’effet de cette effusion « ils se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2,4). Il s’agit d’un véritable « baptême » de feu de la communauté, une sorte de nouvelle création. Lors de la Pentecôte, l’Eglise est constituée non par une volonté humaine, mais par la force de l’Esprit de Dieu. Et il apparaît immédiatement comment cet Esprit donne vie à une communauté qui est à la fois une et universelle, dépassant ainsi la malédiction de Babel (cf. Gn 11, 7-9). En effet, seul l’Esprit Saint, qui crée l’unité dans l’amour et dans l’acceptation réciproque des différences, peut libérer l’humanité de la tentation permanente d’une volonté de puissance terrestre qui veut tout dominer et uniformiser.

« Societas Spiritus », société de l’Esprit : c’est ainsi que saint Augustin appelle l’Eglise dans l’un de ses sermons (71, 19, 32 : PL 38, 462). Mais avant lui, saint Irénée avait déjà formulé une vérité qu’il me plaît de rappeler ici : « Là où se trouve l’Eglise, se trouve l’Esprit de Dieu, et là où se trouve l’Esprit de Dieu, là se trouve l’Eglise et chaque grâce, et l’Esprit est la vérité ; s’éloigner de l’Eglise signifie refuser l’Esprit » et donc « s’exclure de la vie » (Adv Haer. III, 24, 1). A partir de l’événement de Pentecôte se manifeste pleinement cette union entre l’Esprit du Christ et son Corps mystique, c’est-à-dire l’Eglise. Je voudrais m’arrêter sur un aspect particulier de l’action de l’Esprit Saint, c’est-à-dire sur le lien entre multiplicité et unité. C’est ce dont parle la deuxième lecture, en traitant de l’harmonie des divers charismes dans la communion du même Esprit. Mais dans le récit des Actes que nous avons écouté, ce lien se révèle déjà avec une extraordinaire évidence. Lors de l’événement de la Pentecôte il apparaît clairement que l’Eglise est faite d’une multitude de langues et de cultures différentes ; dans la foi, celle-ci peuvent se comprendre et se féconder réciproquement. Saint Luc veut clairement transmettre une idée fondamentale, c’est-à-dire qu’au moment même de sa naissance, l’Eglise est déjà « catholique », universelle. Elle parle dès le début toutes les langues, car l’Evangile qui lui est confié est destiné à tous les peuples, selon la volonté et le mandat du Christ ressuscité (cf. Mt 28,19). L’Eglise qui naît lors de la Pentecôte n’est pas tout d’abord une communauté particulière - l’Eglise de Jérusalem - mais l’Eglise universelle, qui parle les langues de tous les peuples. De celle-ci naîtront ensuite d’autres communautés dans toutes les parties du monde, des Eglises particulières qui sont toutes et toujours des réalisations de la seule et unique Eglise du Christ. L’Eglise catholique n’est pas cependant une fédération d’Eglises, mais une réalité unique : la priorité ontologique revient à l’Eglise universelle. Une communauté qui ne serait pas catholique en ce sens ne serait même pas une Eglise.

A cet égard, il faut ajouter un autre aspect : celui de la vision théologique des Actes des Apôtres à propos du chemin de l’Eglise de Jérusalem jusqu’à Rome. Parmi les peuples représentés à Jérusalem le jour de la Pentecôte, Luc cite également les « Romains résidant ici » (Ac 2,10). A cette époque, Rome était encore lointaine, « étrangère » pour l’Eglise naissante : elle était le symbole du monde païen en général. Mais la force de l’Esprit Saint guidera les pas des témoins « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), jusqu’à Rome. Le livre des Actes des Apôtres se termine précisément lorsque Paul, à travers un dessein providentiel, arrive dans la capitale de l’empire et y annonce l’Evangile (cf. Ac 28,30-31). Ainsi, le chemin de la Parole de Dieu, commencé à Jérusalem, parvient à son but, car Rome représente le monde entier et incarne donc l’idée que Luc a de la catholicité. L’Eglise universelle, l’Eglise catholique, qui est la continuation du peuple de l’élection et qui en reprend l’histoire et la mission, s’est réalisée.

Cela dit, et pour conclure, l’Evangile de Jean nous offre une parole qui s’accorde très bien avec le mystère de l’Eglise créée par l’Esprit. La parole sortie à deux reprises de la bouche de Jésus ressuscité lorsqu’il apparut au milieu des disciples au Cénacle, le soir de Pâques : « Shalom - Paix à vous ! » (Jn 20,19.21). L’expression « shalom » n’est pas un simple salut ; elle est bien davantage : elle est le don de la paix promise (Jn 14,27) et conquise par Jésus au prix de son sang, elle est le fruit de sa victoire dans la lutte contre l’esprit du mal. Elle est donc une paix « non à la manière du monde », mais comme Dieu seul peut la donner.

En cette fête de l’Esprit et de l’Eglise nous voulons rendre grâce à Dieu d’avoir donné à son peuple, choisi et formé parmi toutes les nations, le bien inestimable de la paix, de sa paix ! Dans le même temps, nous renouvelons la prise de conscience de la responsabilité qui est liée à ce don : la responsabilité de l’Eglise d’être constitutionnellement signe et instrument de la paix de Dieu pour tous les peuples. J’ai cherché à me faire l’intermédiaire de ce message en me rendant récemment au siège de l’ONU pour adresser ma parole aux représentants des peuples. Mais ce n’est pas seulement à ces événements « au sommet » que l’on doit penser. L’Eglise réalise son service à la paix du Christ en particulier à travers sa présence et son action ordinaire parmi les hommes, avec la prédication de l’Evangile et avec les signes d’amour et de miséricorde qui l’accompagnent (cf. Mc 16,20).

Parmi ces signes, il faut naturellement souligner principalement le sacrement de la réconciliation, que le Christ ressuscité institua au moment même où il fit don aux disciples de sa paix et de son Esprit. Comme nous l’avons entendu dans l’évangile, Jésus souffla sur les apôtres et dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20,21-23). Comme le don de la réconciliation, qui n’est malheureusement pas suffisamment compris, est important, car il pacifie les cœurs ! La paix du Christ ne se répand qu’à travers des cœurs renouvelés d’hommes et de femmes réconciliés et devenus serviteurs de la justice, prêts à diffuser la paix dans le monde grâce à la seule force de la vérité, sans jamais faire de compromis avec la mentalité du monde, car le monde ne peut pas donner la paix du Christ : voilà comment l’Eglise peut-être le ferment de cette réconciliation qui vient de Dieu. Elle ne peut l’être que si elle reste docile à l’Esprit et rend témoignage à l’Evangile, que si elle porte la Croix comme Jésus et avec lui. C’est précisément ce que témoignent les saints et les saintes de chaque époque !

Chers frères et sœurs, à la lumière de cette Parole de vie, que la prière que nous élevons aujourd’hui à Dieu en union spirituelle avec la Vierge Marie devienne encore plus fervente et intense. Que la Vierge de l’écoute, la Mère de l’Eglise obtienne pour nos communautés et pour tous les chrétiens une effusion renouvelée de l’Esprit Saint Paraclet. « Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terrae - Envoie ton Esprit, tout sera à nouveau créé et tu renouvelleras la face de la terre ». Amen !

[© Copyright du texte original plurilingue : Libreria Editrice Vaticana - Traduction réalisée par Zenit]


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